LucienGuitry est un comĂ©dien français, nĂ© Germain Lucien Guitry le 13 dĂ©cembre 1860 Ă Paris 2 e [1], ville oĂč il est mort le 1 er juin 1925.. Il est considĂ©rĂ© comme le plus grand comĂ©dien de son Ă©poque, Ă©gal masculin de Sarah Bernhardt, avec laquelle il a jouĂ© rĂ©guliĂšrement ; il a créé des rĂŽles marquants qui lui ont valu des triomphes internationaux rĂ©pĂ©tĂ©s.
Text Notes References About the author Full text Tu as consacrĂ© toute ta vie Ă ton mĂ©tier,Tây donnant tout fus un modĂšle exemplaire,Nâayant jamais connu quâun maĂźtre le Public,Et nâayant eu quâun but lui Ă Pierrot le Sublime, in Deburau, Sacha Guitry 1AprĂšs sâĂȘtre plu Ă dramatiser les biographies de personnages historiques, Sacha Guitry met en scĂšne la monographie de certaines professions il dĂ©bute par celle de lâacteur avec Deburau 1918 et Le ComĂ©dien 1921. Deux piĂšces, deux mises en abĂźme oĂč Guitry sâattache Ă porter Ă la scĂšne les coulisses du théùtre 1 Benjamin CrĂ©mieux, ComĆdia, mars 1938 ; article dĂ©coupĂ© par Sacha Guitry et annotĂ© ... 1924 est lâannĂ©e des Six personnages en quĂȘte dâauteur et, sauf erreur, 1925 est celle de la ComĂ©die du bonheur dâEvreinov. Si Sacha Guitry nĂ©glige la mode, il nâen baigne pas moins, et câest Ă sa louange, dans lâair du temps1. 2 Propos de Sacha Guitry rapportĂ©s par Lucien Dubech, Le Matin, 22 janvier 1921. 3 Sacha Guitry, Deburau, in Théùtre et théùtre je tâadore, Paris, Omnibus, 2005, acte I, p. 6 ... 2Par la traversĂ©e des apparences et le redoublement de lâillusion, sâĂ©labore une vision dâun mĂ©tier magnifique et terrible »2, fait de bonheurs autant que de sacrifices. Dans la premiĂšre de ces piĂšces, Jean-Gaspard Deburau, acteur pantomime sans passion, sans parole et presque sans visage, qui dit tout, exprime tout, se moque de tout »3 renonce Ă ses amours en mĂȘme temps quâĂ la scĂšne en faisant un adieu pathĂ©tique Ă son public, une fois la vieillesse venue ; dans la seconde, le ComĂ©dien sacrifie pour le théùtre une passion amoureuse, la femme aimĂ©e nâĂ©tant pas Ă la hauteur de son rĂŽle. Dans les deux cas, lâart semble un sacerdoce mais aussi un mĂ©tier dont il conviendrait dâexposer la rĂ©alitĂ© aux spectateurs. Câest dâailleurs en ces termes que Roland DorgelĂšs salue la premiĂšre du ComĂ©dien dans La Lanterne 4 Roland DorgelĂšs, La Lanterne, 22 janvier 1921. Vous ne savez pas, en somme, ce que câest que la vie dâun homme de théùtre ; vous connaissez le cĆur des personnages quâil a jouĂ©s, mais pas le sien ; vous croyez connaĂźtre sa vie privĂ©e quand on ne vous a livrĂ© que sa lĂ©gende ; et vous ignorez aussi ce que reprĂ©sente de patients efforts, de travail obstinĂ©, dâintrigues, la mise en scĂšne dâune piĂšce. Eh bien, allez au ComĂ©dien, vous saurez tout cela4. 3Le temps ayant fait son Ćuvre, nous connaissons dĂ©sormais le sort de ces piĂšces qui furent le prĂ©texte de nombreuses reprises. Deburau fut la piĂšce fĂ©tiche de Sacha Guitry elle fut lâoccasion de la rĂ©conciliation avec son pĂšre aprĂšs une brouille de treize ans, et câest sous les traits de Deburau que Guitry fit ses adieux Ă la scĂšne le 13 dĂ©cembre 1953, Ă Bruxelles. DĂšs 1918, Sacha Guitry avait donc imaginĂ© la piĂšce des adieux, toute son Ćuvre semblant le conduire Ă un destin prĂ©alablement fixĂ© par lâĂ©criture lâart conditionnerait lâexistence mĂȘme en la devançant. Parcours similaire pour Le ComĂ©dien, piĂšce créée en 1921 au théùtre Ădouard VII avec Lucien Guitry dans le rĂŽle titre, et reprise au théùtre de la Madeleine en 1938 par Sacha Guitry, lâĂąge imposant naturellement dâincarner, aprĂšs son pĂšre, le rĂŽle dâun artiste sur le retour. Reprises qui, tels des cycles, laissent vivre lâĆuvre en transformant son sens, les Ă©poques et les interprĂštes ayant forcĂ©ment changĂ©. De ce tremblement, dĂ©coule la sĂ©duction 5 Benjamin CrĂ©mieux, ComĆdia. Lucien Guitry avait créé le rĂŽle du ComĂ©dien. Sacha Guitry le reprend aujourdâhui et sây impose avec autant dâautoritĂ© que son pĂšre ; lâavouerai-je ? Jây prĂ©fĂšre Sacha Ă Lucien. Sacha entre sans rĂ©serve dans le personnage ; son pĂšre y montrait je ne sais quel dĂ©tachement un peu supĂ©rieur, un je ne sais quoi qui semblait dire Je condescends ». Ă la derniĂšre scĂšne seulement, lâintensitĂ© de ses silences exprimait la douleur et la lutte intĂ©rieure du vieil amant sacrifiant son jeune amour Ă son art Ă©ternel avec une force communicative qui nâest ni dans les moyens ni dans les goĂ»ts de Sacha5. Projet de buste de Lucien Guitry, par Sacha Guitry 4Ces reprises dĂ©clenchent Ă©galement des modifications dâimportance, comme le signale Sacha Guitry 6 Sacha Guitry, document dactylographiĂ© enregistrĂ© par Radio-Luxembourg le samedi 16 fĂ©vrie ... Ă sa crĂ©ation, Le ComĂ©dien Ă©tait une comĂ©die en quatre actes. La piĂšce est, aujourdâhui, prĂ©cĂ©dĂ©e dâun prologue. Ce prologue est le dernier acte dâune comĂ©die en trois actes â dâune fausse comĂ©die, si jâose ainsi dire. Il existait, ce prologue, mais jâavais prĂ©fĂ©rĂ© le supprimer Ă la reprĂ©sentation, car il semblait ĂȘtre la parodie, le pastiche dâun Ă©crivain dramatique qui vivait encore en 1921. Cet Ă©crivain nâest plus â et la crainte que je pouvais avoir de le dĂ©sobliger jadis nâayant plus sa raison dâĂȘtre Ă prĂ©sent, nous jouerons pour la premiĂšre fois ce prologue, jeudi. [âŠ] Pourtant, un mot encore que les personnes qui, Ă la crĂ©ation, ont vu mon pĂšre dans le rĂŽle que je vais jouer me fassent la grĂące de rester sur leur impression6. 7 Le comĂ©dien et son musĂ©e », ComĆdia, janvier 1921. Cf. infra, Le musĂ©e du comĂ©d ... 5Quelles fonctions accorder Ă ces reprises et variantes ? Inscrivant le théùtre â art de lâĂ©phĂ©mĂšre â dans un continuum temporel, elles en appellent Ă la mĂ©moire pour combattre lâoubli Sacha Guitry invite le spectateur Ă la nostalgie en lui proposant de visiter le musĂ©e dĂ©diĂ© aux comĂ©diens pendant les entractes de la reprĂ©sentation, la robe de Sarah Bernhardt dans PhĂšdre, la couronne de Talma dans NĂ©ron, la collection de cannes de Lucien Guitry dans ses principaux rĂŽles Ă©tant quelques-unes des meilleures attractions7. DâoĂč la rĂ©action de Lucien Dubech dans Le Matin 8 Lucien Dubech, Le Matin, 1921, BnF, Fonds Guitry. La gloire des acteurs est Ă©clatante mais elle est viagĂšre. Quand nous voyons ces vieux acteurs se cramponner Ă leurs rĂŽles et Ă leur culture moyenne sur les grands comĂ©diens du passĂ©, câest Ă peine si quelques noms surnagent dâune mer aussi indiffĂ©rente que le LĂ©thĂ© pour toute lâAntiquitĂ© Roscius, puis plus rien jusquâaux acteurs qui eurent la chance de rencontrer Racine ou MoliĂšre [âŠ] Plus prĂšs de nous, en un siĂšcle, trois ou quatre noms Lekain, Clairon, Lecouvreur, Favart [âŠ]. Au XIXe siĂšcle, Talma, Rachel, Mars LemaĂźtre, encore un ou deux, mais qui sait ce quâont Ă©tĂ© les comĂ©diens illustres de la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente ? [âŠ] Lucien Guitry peut bien reprĂ©senter Ă notre Ă©poque le ComĂ©dien, comme Talma fut Ă la sienne le TragĂ©dien8. 9 Le ComĂ©dien, film de 1948 ; Deburau, film de 1951. 10 Fragments notamment tirĂ©s de Si jâai bonne mĂ©moire », Mon Portrait », Portraits et an ... 6Notons enfin les adaptations cinĂ©matographiques des deux Ćuvres9, la mise en scĂšne engendrant sa propre relativitĂ© en entrant dans un jeu de traductions en boucle. DĂšs les premiĂšres images du ComĂ©dien, on est frappĂ© dâentendre des fragments tirĂ©s des notes et souvenirs de Sacha Guitry10 Ă la place du prologue â pastiche dâun mĂ©lodrame â prĂ©vu pour le théùtre. Au lieu de cette critique dâun théùtre de convention sensible pour les seuls amateurs de théùtre, lâaction dĂ©cline le portrait du pĂšre apparaissant dans ses rĂŽles les plus cĂ©lĂšbres, lâĂ©vocation construisant, sous des dehors lĂ©gers et sĂ©duisants, une petite thĂ©orie de lâart de lâacteur 11 Sacha Guitry, ThéùtreâŠ, t. II, p. 27-28. Le mĂ©tier de comĂ©dien est-il un mĂ©tier comme un autre ? Les comĂ©diens sont-ils des hommes comme les autres ? Eh bien, tout compte fait, non11. 12 Sacha Guitry, Le ComĂ©dien, acte III, p. 950. 13 Câest le cas de Lucien Guitry dans Le ComĂ©dien. 14 Câest le cas de Deburau. 7La premiĂšre diffĂ©rence tient au fait que si les autres prennent des mĂ©tiers, câest le mĂ©tier qui prend le comĂ©dien »12. La biographie de lâacteur tĂ©moigne ensuite de sa prĂ©destination Ă©lĂšve mĂ©diocre13 ou honte de la troupe » dâun cirque ambulant14, lâenfant montre en revanche un intĂ©rĂȘt passionnĂ© pour la lecture ou la communication silencieuse, le travers initial se muant avec le temps en qualitĂ© incontestable. Vient ensuite le moment de la reconnaissance, la prĂ©disposition Ă©tant rĂ©vĂ©lĂ©e par un maĂźtre ou par le public, lâessentiel Ă©tant de se frotter Ă la scĂšne sans refuser dâemprunter des chemins de traverse le ComĂ©dien dĂ©cline une offre de la ComĂ©die-Française et part neuf ans pour la Russie oĂč il fait applaudir le théùtre français ; le chagrin dâenfance de Deburau se transforme en gestuelle expressive. Dans les deux cas, le refus de tout acadĂ©misme renforce le talent artistique. Le comĂ©dien est dâabord un rebelle aux ordres de la famille et de la sociĂ©tĂ©, car il sâagit dâune vocation plus que dâun apprentissage 15 Sacha Guitry, Le MĂ©tier de comĂ©dien », in ThéùtreâŠ, p. 27-28. Câest un mĂ©tier pour lequel il faut ĂȘtre douĂ© ; on ne peut pas devenir un bon comĂ©dien Ă force de travail, dâintelligence et de volontĂ©. On peut jouer la comĂ©die sans aucun don, mais on la joue mal. On fait mal semblant. Or, savoir faire semblant, cela ne sâapprend pas15. 8Si Deburau, rĂ©pondant ainsi Ă lâinsistance de son fils Charles, consent finalement Ă lui donner une leçon de pantomime, câest quâil croit seulement aux vertus de lâhĂ©rĂ©ditĂ©, le fils remplaçant le pĂšre sans effacer son nom. Tous les acteurs du théùtre du Funambule veulent assister Ă la derniĂšre classe du maĂźtre qui dĂ©livre les secrets de son art en ces termes il faut avoir le trac pour ĂȘtre artiste, jusquâau moment de la loge ; puis masquer sa peur face au public. En scĂšne, le comĂ©dien doit ĂȘtre lĂ©ger, simple, charmant, jamais vulgaire, pas trop intelligent, câest inutile. Il doit se souvenir 16 Sacha Guitry, Deburau , in ThéùtreâŠ, acte III, p. 688. que les professeurs sont tous mauvais et, quand on est douĂ©, quâils sont des criminels, car ils nâenseigneront jamais, hĂ©las ! que leurs dĂ©fauts. Tous les gestes sont bons quand ils sont naturels, ceux quâon apprend sont toujours faux16. Dans Le MĂ©tier de comĂ©dien, Sacha Guitry rajoute 17 Sacha Guitry, Le MĂ©tier de comĂ©dien », in Théùtre⊠Le comĂ©dien est un homme dont la fonction naturelle est dâĂȘtre un autre homme pendant quatre heures, tous les jours. Jouer la comĂ©die, câest mentir avec lâintention de tromper, câest crĂ©er lâillusion dâune quantitĂ©, dâune infinitĂ© de sentiments divers quâon nâĂ©prouve pas et quâil convient pourtant de faire partager17. 9Dans ces textes, Sacha Guitry se rĂ©fĂšre directement aux thĂ©ories de Diderot, les techniques de jeu visant Ă exercer un effet sur la perception du spectateur sans identification de la part de lâacteur ni avec le caractĂšre du personnage ni avec la logique du comportement liĂ© Ă son rĂŽle. Câest donc au spectateur quâil revient de vivre lâaction, lâacteur lui imposant, par sa technique, une relation dâidentification. Car le public est lâultime visĂ©e de lâacteur authentique qui doit se sacrifier Ă son attente pour lui procurer du plaisir, dĂ»t-il lui-mĂȘme en souffrir. Tel est, en effet, le sens des paroles de Deburau lors de sa derniĂšre classe 18 Sacha Guitry, Deburau, acte IV, p. 693. Adore ton mĂ©tier, câest le plus beau du monde ![âŠ] Fais rire le public, dissipe son ennui,Et, sâil te mĂ©prise et tâoublieSitĂŽt quâil a passĂ© la porte,Va, laisse-le, ça ne fait rien,On se souvientToujours si mal de ceux qui vous ont fait du bien18 ! 10Câest au docteur quâil revient finalement de faire le panĂ©gyrique du mĂ©tier, lâun reconnaissant Ă lâautre sa capacitĂ© Ă soigner le public 19 Ibid., acte III, p. 678-679. Le docteur Et je respecte volontiersCeux-lĂ qui font mĂ©tierDe distraire les autresEt de les amuser. [âŠ] Celui qui fait sourire est un grand bienfaiteur !Il peut ce que jamais nâa pu faire un a sur nous un avantageIl peut, sans le vouloir, sans ĂȘtre intelligent,Il peut rendre le goĂ»t de la vie Ă des gens19 ! 11De la mĂȘme façon, le ComĂ©dien sâinterroge sur le public qui donne sens Ă son mĂ©tier. Sâil a lâoccasion de parler Ă douze cents personnes tous les soirs, comment lui rendre service » ? Faudrait-il, Ă lâinstar des naturalistes, lui dĂ©peindre les misĂšres de la vie ? 20 Sacha Guitry, Le ComĂ©dien, in ThéùtreâŠ, acte I, p. 910-911. Le comĂ©dien Pas du tout, justement. [âŠ] Il ne suffit pas de montrer ce qui est laid, il faut aussi montrer ce qui est Beau ! Le Bonheur, lâAmour, la Gloire, la SantĂ©, la Peinture⊠tout ce qui est beau et tout ce qui est accessible. [âŠ] Savez-vous ce quâest le public ? [âŠ] Câest notre pays20. 12Le rĂŽle de lâacteur nâest donc quâun outil, sa fonction vĂ©ritable Ă©tant dâinstaurer un dialogue avec le public câest ainsi quâil doit contribuer, par-delĂ les masques de son personnage, Ă lâĂ©dification esthĂ©tique et morale des spectateurs. De la sorte, les comĂ©dies se font actes de foi. Si Guitry ne renonce Ă aucune des observations comiques que le thĂšme lui offre â le directeur et lâargent, le comĂ©dien et sa vanitĂ©, la jalousie de ses partenaires â, le sujet mĂȘme de ses piĂšces est lâanalyse des raisons profondes qui font quâun comĂ©dien est un comĂ©dien, mais aussi de ce quâil pourrait ĂȘtre si lâon admettait sa mission sociale. Son amour, dirait Guitry. * * * 13Le comĂ©dien est avant tout un analyste de lâamour. Mais il existe deux sortes dâamour lâamour apparent et somme toute superficiel, celui du ComĂ©dien pour Jacqueline Maillard par exemple, jeune femme qui se trompe en croyant aimer celui quâelle admire sur les planches du théùtre, ou de Deburau pour Marie Duplessis, la Dame au CamĂ©lia. Et lâamour vĂ©ritable, inextinguible parce que dĂ©sincarnĂ© et idĂ©el celui de lâacteur pour le public. Dans les deux piĂšces, Deburau et le ComĂ©dien doivent renoncer aux amours trompeuses comme aux rĂȘves narcissiques pour devenir personne, câest-Ă -dire tout le monde. Sâil est alors impossible de faire la part du rĂŽle et de lâartiste, Sacha Guitry sâabĂźmant dans les ombres fantomatiques de Deburau ou du ComĂ©dien, câest que le théùtre est sa vie comme sa vie est son théùtre. Ă ce prix seulement, le mensonge que suppose tout rĂŽle sera parachevĂ© car menĂ© Ă ce point extrĂȘme oĂč lâacteur sâannule pour faire vivre un autre en lui-mĂȘme, pour lâamour du public. * * * 14Sacha Guitry a sans doute eu lâintuition de lâesthĂ©tique contemporaine de lâautofiction le premier, il renonce Ă la notion dâemploi alors en vigueur dans le théùtre de boulevard, Ă ces 21 Classification de Maurice Rostand pour auditions possibles, in ComĆdia, 22 janvier 1921, Bn ... grands premiers comiques, grands premiers rĂŽles, jeunes premiers et premiers rĂŽles, amoureux et amoureuses, confidents et manteaux, raisonneurs ou duettistes21 qui occupent les scĂšnes françaises de lâĂ©poque, pour imposer sa seule prĂ©sence 22 Sacha Guitry, Le ComĂ©dien, in ThéùtreâŠ, acte II, p. 933. Le comĂ©dien Savez-vous ce quâest un artiste ? Un artiste, câest un comĂ©dien qui nâa pas dâemploi dĂ©fini. [âŠ] Un artiste nâa pas dâĂąge⊠il joue les vieillards quand il est jeune et les Ă©phĂšbes quand il est trop vieux pour jouer les hommes mĂ»rs22. 15Si le mĂ©tier de comĂ©dien est, selon les dires de Guitry, magnifique et terrible », câest quâil abolit dĂ©finitivement la notion dâintimitĂ©. DĂšs lors, tout ce qui est vĂ©cu par le comĂ©dien deviendra matĂ©riau pour la scĂšne, la vie se recyclant inĂ©vitablement dans lâart. Deburau est une part de lâenfance de Guitry, moment initiatique oĂč se joue de façon encore inconsciente le destin du futur homme de théùtre 23 Sacha Guitry, Cinquante ans dâoccupations, p. 326-327. Câest Ă Saint-PĂ©tersbourg, en 1890, que jâai jouĂ© la comĂ©die pour la premiĂšre fois. JouĂ© nâest pas tout Ă fait exact. En vĂ©ritĂ©, jâai figurĂ© dans une pantomime en un acte que mon pĂšre avait faite en collaboration avec un grand comĂ©dien russe qui se nommait Davidof. Cette pantomime fut créée au Palais ImpĂ©rial, devant Alexandre III. Mon pĂšre y jouait le rĂŽle de Pierrot. Moi, jâĂ©tais Pierrot fils. [âŠ] Lorsque, aprĂšs une interminable sĂ©paration de treize annĂ©es, mon pĂšre vint me voir jouer pour la premiĂšre fois, câĂ©tait au Vaudeville, et je jouais Deburau. Vingt-huit ans sâĂ©taient Ă©coulĂ©s depuis lâĂ©poque de mes dĂ©buts Ă Saint-PĂ©tersbourg â et je puis dire, en somme, quâil ne mâavait pas vu jouer depuis le jour oĂč cette photographie avait Ă©tĂ© prise. Vingt-huit annĂ©es, et il me retrouvait en Pierrot ! Mais, ce jour-lĂ , câĂ©tait moi qui jouais le rĂŽle du pĂšre23. 16De mĂȘme, lâintrigue du ComĂ©dien est tout entiĂšre inspirĂ©e dâune lettre de Talma que Guitry conserve comme un document prĂ©cieux Je possĂšde une lettre de Talma des plus intĂ©ressantes. [âŠ] Lâactrice qui jouait avec lui Ă Bruxelles ne pouvant pas lâaccompagner de ville en ville, le directeur demandait Ă Talma dâaccepter une certaine demoiselle Bellanger, propre Ă la remplacer dans les principaux rĂŽles fĂ©minins de son rĂ©pertoire. Mlle Bellanger nâavait pas de talent, et Talma le savait. Il aurait pu fort bien ne pas sâen soucier. Il aurait pu fort bien penser Moi seul, et câest assez », ainsi que trop de grands acteurs le pensent et le disent. Talma nâĂ©tait point de ceux-lĂ . Il Ă©crivit au directeur 24 Sacha Guitry, Du grand danger de ceux qui remplacent les autres », in ThéùtreâŠ, p ... Mon cher Ami,Jâaccepte volontiers votre proposition, et câest avec plaisir que jâirai jouer tant Ă Anvers quâĂ LiĂšge et quâĂ Namur, ainsi quâĂ Charleroi. Mais je vais ĂȘtre irrĂ©ductible quant au choix que vous avez fait de Mlle Bellanger. Câest une personne ravissante, mais dont le jeu, hĂ©las ! est superficiel. Je vous prie instamment de ne pas me lâimposer pour jouer avec moi, car [âŠ] cela me fatiguerait Ă©tĂ© en effet demander Ă Talma dâinterprĂ©ter deux rĂŽles, ce qui nâeĂ»t point manquĂ© de le fatiguer24. 25 Antoine, Un grand portrait dâacteur », chronique hebdomadaire de LâInformation, 1921. 17Les pilotis de lâĆuvre sont restituĂ©s au grĂ© de notes fragmentaires concernant les souvenirs de Guitry ; la biographie Ă©tant constituĂ©e de scĂšnes Ă©minemment théùtrales, lâart sert dâabord Ă lire sa propre vie ; toute piĂšce prend alors lâallure dâune confidence personnelle », comme le disait Antoine Ă propos du ComĂ©dien25, la rĂ©alitĂ© de lâexistence menant Ă lâesquisse du portrait universel de lâacteur. * * * 26 Voir, par exemple, Ă ce sujet, la critique de Pierre Mille, dans La Renaissance, fĂ© ... 27 Pornographie provisoire », ComĆdia, fĂ©vrier 1921. 18On a souvent reprochĂ© Ă Guitry de se mettre » dans ses ouvrages26, certains allant jusquâĂ parler de pornographie provisoire », le ComĂ©dien cĂ©dant aux avances dâune jeune Ă©tourdie sous le regard bienveillant de son oncle, triste reprĂ©sentant de notre morale finissante, de notre morale passive »27, dâautres saluant cette incorporation inĂ©dite de lâhomme et de lâĆuvre. Il semblerait plutĂŽt que le prĂ©tendu narcissisme de Guitry soit un malentendu, lâartiste sacrifiant son ego dans la pratique du théùtre et se travestissant toujours pour sâengloutir et se perdre dans la multiplication des rĂŽles. Si la thĂ©matique de la surface et des profondeurs engendre une incessante dialectique dans lâĆuvre de Guitry â les coulisses enseignant plus que la scĂšne et les masques plus que la rĂ©alitĂ© â câest que lâacteur, forcĂ©ment rebelle aux rĂšgles habituelles du monde, masque sa tristesse dâune mĂ©lancolique Ă©lĂ©gance. Sans rĂŽle et sans amour, lâacteur nâest plus personne telle est la premiĂšre leçon de Deburau et du ComĂ©dien. Mais câest sans doute que, pour ĂȘtre un grand artiste, il fallait dĂ©jĂ nâĂȘtre rien. DâoĂč la nostalgie du ComĂ©dien aprĂšs la derniĂšre, sorte de condamnation au vide aprĂšs lâillusion du masque 28 Sacha Guitry, Le ComĂ©dien », in ThéùtreâŠ, acte I, p. 908. LâhabilleuseVous aimez ça, vous regarder dans la glace, hein ?Le comĂ©dienCe nâest pas moi que je regarde⊠ce sont les autres !LâhabilleuseQuels autres ?Le comĂ©dienCeux que je joueâŠLâhabilleuseOui, mais comme celui-lĂ , vous ne le jouerez plusâŠLe comĂ©dienJustement, je lui dis Adieu28. 19En conclusion, il semblerait que la traversĂ©e des apparences, si souvent symbolisĂ©e par des scĂšnes de vanitĂ© face au miroir dans lâĆuvre de Guitry, soit lâillusion suprĂȘme Ă laquelle le bon acteur aurait renoncĂ© nâĂ©tant rien que les autres, sous le masque, il sâadresse Ă la communautĂ© des hommes en traitant lĂ©gĂšrement de sujets sĂ©rieux. Avec Lucien Guitry et Yvonne Printemps Top of page Notes 1 Benjamin CrĂ©mieux, ComĆdia, mars 1938 ; article dĂ©coupĂ© par Sacha Guitry et annotĂ© par ses soins de la sorte VoilĂ une critique qui me paraĂźt assez indĂ©pendante », archives Guitry, BnF. 2 Propos de Sacha Guitry rapportĂ©s par Lucien Dubech, Le Matin, 22 janvier 1921. 3 Sacha Guitry, Deburau, in Théùtre et théùtre je tâadore, Paris, Omnibus, 2005, acte I, p. 612. 4 Roland DorgelĂšs, La Lanterne, 22 janvier 1921. 5 Benjamin CrĂ©mieux, ComĆdia. 6 Sacha Guitry, document dactylographiĂ© enregistrĂ© par Radio-Luxembourg le samedi 16 fĂ©vrier 1938, BnF, Fonds Guitry. 7 Le comĂ©dien et son musĂ©e », ComĆdia, janvier 1921. Cf. infra, Le musĂ©e du comĂ©dien ». 8 Lucien Dubech, Le Matin, 1921, BnF, Fonds Guitry. 9 Le ComĂ©dien, film de 1948 ; Deburau, film de 1951. 10 Fragments notamment tirĂ©s de Si jâai bonne mĂ©moire », Mon Portrait », Portraits et anecdotes », dans Cinquante ans dâoccupations. 11 Sacha Guitry, ThéùtreâŠ, t. II, p. 27-28. 12 Sacha Guitry, Le ComĂ©dien, acte III, p. 950. 13 Câest le cas de Lucien Guitry dans Le ComĂ©dien. 14 Câest le cas de Deburau. 15 Sacha Guitry, Le MĂ©tier de comĂ©dien », in ThéùtreâŠ, p. 27-28. 16 Sacha Guitry, Deburau , in ThéùtreâŠ, acte III, p. 688. 17 Sacha Guitry, Le MĂ©tier de comĂ©dien », in Théùtre⊠18 Sacha Guitry, Deburau, acte IV, p. 693. 19 Ibid., acte III, p. 678-679. 20 Sacha Guitry, Le ComĂ©dien, in ThéùtreâŠ, acte I, p. 910-911. 21 Classification de Maurice Rostand pour auditions possibles, in ComĆdia, 22 janvier 1921, BnF, Fonds Guitry. 22 Sacha Guitry, Le ComĂ©dien, in ThéùtreâŠ, acte II, p. 933. 23 Sacha Guitry, Cinquante ans dâoccupations, p. 326-327. 24 Sacha Guitry, Du grand danger de ceux qui remplacent les autres », in ThéùtreâŠ, p. 55-56. 25 Antoine, Un grand portrait dâacteur », chronique hebdomadaire de LâInformation, 1921. 26 Voir, par exemple, Ă ce sujet, la critique de Pierre Mille, dans La Renaissance, fĂ©vrier 1921. 27 Pornographie provisoire », ComĆdia, fĂ©vrier 1921. 28 Sacha Guitry, Le ComĂ©dien », in ThéùtreâŠ, acte I, p. of page References Bibliographical reference Sophie Lucet, âPortrait de lâartiste en rebelle Le ComĂ©dien, Deburauâ, Double jeu, 3 2006, 123-134. Electronic reference Sophie Lucet, âPortrait de lâartiste en rebelle Le ComĂ©dien, Deburauâ, Double jeu [Online], 3 2006, Online since 06 July 2018, connection on 27 August 2022. URL DOI of page About the author Sophie LucetMaĂźtre de confĂ©rences en Ătudes thĂ©atrales Ă lâuniversitĂ© de Caen this author Published in Double jeu, 1 2003 Entretien avec Philippe CaubĂšre Published in Double jeu, 1 2003 Entretien avec ValĂ©rie DrĂ©ville Published in Double jeu, 1 2003 Quelquâun va venir, de Jon Fosse Published in Double jeu, 6 2009 Top of page
LĂ©tĂ© suivant, le 29 juin 1951 sort Ă Paris le film que Sacha Guitry a tirĂ© de sa piĂšce. Ă la rĂ©alisation, Sacha Guitry sâentoure de deux assistants. Le premier est François Gir, que lâon a lâhabitude de voir sur de trĂšs nombreux films de Sacha Guitry. Il est le fils de la comĂ©dienne Jeanne-Fugier-Gyr, que lâon voit aussi souvent dans les mĂȘmes films. Le second assistant
Programme de la rĂ©trospective Dino Risi Le Klaxon du fanfaron est un texte de Marc-Ădouard Nabe, publiĂ© dans le programme de la CinĂ©mathĂšque française, en mars 2003, Ă lâoccasion de la rĂ©trospective Dino Risi. â CâĂ©tait une fĂȘte quand mon pĂšre mâemmenait voir un film italien, comme si nous allions au musĂ©e admirer un tableau de la Renaissance, sauf que lĂ , les tableaux nâĂ©taient pas encore secs et quâils faisaient rire. La grande Ă©poque de la comĂ©die italienne mâa toujours rapÂpelĂ© celle du quattrocento une bousculade de gĂ©nies pendant un temps donnĂ©, et puis plus rien. Au seul nom de Dino Risi, ce sont des flashs hilarants qui me revienÂnent. Tous ses films sont avant tout des scĂšnes restĂ©es dans ma mĂ©moire comme si jây avais assistĂ© en vrai... Sexe fou, Moi la femme, Les Monstres... Un mari est tellement plongĂ© dans sa tĂ©lĂ© quâil ne sâaperçoit pas que sa femme couche avec son amant dans la piĂšce dâĂ cĂŽtĂ©... Un plouc sâamourache dâun travesti qui se trouve ĂȘtre son frĂšre... Un menÂdiant, pour ne pas perdre lâinfirmitĂ© rentable de son compĂšre aveugle, ne lui dit pas quâil pourrait guĂ©rir... Un ancien boxeur va en convaincre un autre qui sâĂ©tait rangĂ© de remonter sur le ring celui-ci se retrouvera sur un fauteuil roulant, en train dâapplaudir les cerf-volants sur la plage... Sono contento ! » Ăa, des monstres ? Lorsquâon est confrontĂ© plus tard aux vraies monsÂtruositĂ©s de la sociĂ©tĂ© de dĂ©composition, on se rend compte que les monstres de Risi sont des anges ! Sans scrupules devant la pauvretĂ©, la maladie, la vieillesse, les enfants, les femmes, les vieillards, et bien sĂ»r lâĂglise, la Police et la Justice, ils ont surtout une grĂące que ceux de la rĂ©alitĂ© » semblent se vanter pathĂ©tiquement dâĂȘtre dĂ©pourvus. Il faut dire aussi quâon rencontre rarement des escrocs, des menteurs et des tricheurs de la trempe de Vittorio Gassman, Alberto Sordi, Nino Manfredi, et Ugo Tognazzi ! Que serait Dino Risi sans ses quatre acteurs ? Ils en font des tonnes, mais ces tonnes ne pĂšsent rien. Quand jâavais seize ans, chaque apparition dâun de ces gĂ©ants sur un Ă©cran de cinĂ©ma Ă©tait un renforcement de ma joie de vivre. Voir Manfredi tomber amoureux dâune poule, ou Monica Vitti faire les yeux doux Ă des hommes qui ne voient pas quâelle est aveugle nâa pas Ă©tĂ© sans influence sur mon goĂ»t du mauvais goĂ»t. Ces sketches scabreux furent mes contes de fĂ©e. Je les racontais Ă mon tour Ă qui ne voulait pas les entendre. Le cinĂ©ma de Risi est grinçant, car on entend, de la salle, les rouages mal huilĂ©s des sentiments des protagonistes. Les hommes sont peut-ĂȘtre des monstres, mais les femmes sont des bombes. Mufles et pin-ups ! Jâai vĂ©cu ma pubertĂ© avec trois femmes Laura Antonelli, Agostina Belli et Ornella Muti... Comment souffrir ensuite ? Quand il quitte le conte cruel, Dino Risi se lance dans lâodyssĂ©e minable. Chaque Ă©popĂ©e est celle dâun humiliĂ© le petit journaliste dâUne vie difficile, le petit coiffeur de Fais-moi trĂšs mal mais couvre-moi de baisers ou le petit poissonnier de la CarriĂšre d'une femme de chambre sont des pĂ©quenots jaloux larguĂ©s par une stronza sexy qu'ils sont prĂȘts Ă tout pour retrouver dans les cloaques de la sociĂ©tĂ©. Ils ont lâair complĂštement inconscients de ce quâils provoquent et se laissent bouffer par les circonsÂtances malencontreuses. Plus ils essaient dâarranger les choses, plus ça sâaggrave. Leur nature change au fur et Ă mesure de leur voyage au pays du cynisme ambiant. Le timide devient goujat, lâidĂ©aliste combinard, le pathĂ©tique antipathique et vice versa... Les situations abracadabrantes ne se dĂ©nouent que par une ironie du sort, pour ne pas dire du sordide. Sordi, fils faux-cul, accompagne sa mĂšre Ă lâasile en lui faisant croire Ă une promenade champĂȘtre et lâabandonne aux infirmiĂšres Traitez-la comme une reine ! ». Manfredi finit par faire cocu un sourd-muet avant de lui rendre involontairement lâouĂŻe et la parole grĂące Ă une tentative ratĂ©e dâassassinat. Câest Tognazzi qui joue lâinfirme aussitĂŽt guĂ©ri, et croyant Ă un miracle, il entre dans les ordres pour faire voeu de silence ! ... GassÂman, accusĂ© en mal dâalibi, fait interner son vieux pĂšre qui refusait de se fendre dâun faux tĂ©moignage en sa faveur... ComĂ©dien cocaĂŻnomane, fasciste flamboyant, prophĂšte mĂ©diatique, archevĂȘque coquet ou riche automobiliste prenant des jeunes en stop pour mieux les insulter Gassman est tous les hommes. En aveugle outrageusement Ă lâaise dans Parfum de femme un des cinq, six chefs-dâĆuvre de Risi, il est sublimement odieux. Et mĂȘme si on faisait semblant, le temps dâun texte, de lâouÂblier dans Le Fanfaron, on ne pourrait pas ĂŽter de ses tympans le son du Klaxon de la Lancia dĂ©capotable quâil conduit Ă toute berzingue sur les routes Ă©blouissantes de soleil de lâItalie de lâĂąge dâor. Grandiose Gassman ! Dans Cher papa, il est un homme dâaffaires salaud, mĂ©prisant, offensant. II terrorise tout le monde ses associĂ©s, sa famille, son personnel. Et trĂšs vite, on sâaperçoit que son entourage ne vaut pas mieux sa femme suicidaire, sa maĂźtresse intĂ©ressĂ©e, son majordome roublard, sa fille bouddhiste qui lui crache dessus, et surtout son fils. Petit bourgeois rĂ©voltĂ© », il traĂźne avec ses copains gauchistes dont le pĂšre apprend, en feuilletant rĂ©guliĂšrement son journal intime, quâils prĂ©parent un attentat contre un grand ponte infect du capitalisme dont le nom commence par un P »... P » comme papa », bien sĂ»r... Câest lors dâun voyage Ă lâĂ©tranger que le cher papa se fait tirer dessus. Il revient Ă Rome paralysĂ©, et volontairement muet, sans doute parce quâil vaut mieux ĂȘtre muet que dâentendre tout ce que les pourris osent dire de lui. Ă la fin, le fils retrouve son pĂšre. Enfin, ils peuvent pleurer ensemble en silence ils se sont compris. Câest tout ce quâils avaient besoin dâĂȘtre lâun Ă lâautre indispensables. Le fils ne demandait quâĂ pousser le fauteuil roulant de son pĂšre dĂ©truit, et le pĂšre ne demandait quâĂ ĂȘtre poussĂ©, dĂ©truit, par son fils. Cher papa est un des plus durs Risi. Tous les dĂ©tails psychologiques sont oppressants par leur cruautĂ©. Les hippies baffrant, le gourou Ă©picurien, le psy croyant, la mondaine pute, le pĂšre plouc... Chaque perÂsonnage est verrouillĂ© dans son Ă©goĂŻsme, et il nâa mĂȘme pas le droit dâen souffrir pour quâon le plaigne. Aucune belle personne » chez Risi, tous sont de laides personnes »... Plus grand chose de rigolo Ă peine le hold-up, vu comme une formalitĂ© bancaire, arrache-t-il un Ă©clat de rire. Le reste est sombre comme la vie, sombre comme la vĂ©ritĂ©. Rapt Ă lâitalienne est finalement lâhistoire de la dĂ©chĂ©ance dâun con. Sa descente aux enfers nâest pas celle quâon croit câest dans les cercles infernaux de sa propre mĂ©diocritĂ© quâil descend, Rapt Ă l'Italienne, non plus, nâest pas un film comique. Risible, non ; risien », si. Des terroristes gauchistes ont pris en otage Mastroianni, un bourgeois industriel, et sa maĂźtresse. Ils fuient sous le regard ignoble des camĂ©ras de tĂ©lĂ©. Le cynisme est partout du cĂŽtĂ© des mĂ©dias, bien sĂ»r, et de la police, mais aussi dans la famille riche du raptĂ© du pĂšre au fils, en passant par la femme qui rechigne Ă donner la rançon. Sans oublier les ravisseurs dont le gros chef finira par se taper la ravissante maĂźtresse de lâotage, ravie ! Tout est lĂ pour quâon prenne en pitiĂ©, sinon en considĂ©Âration, la victime » qui multiplie les bourdes, mais câest impossible, Mastroianni est non seulement trop bĂȘte, mais trop lĂąche, et de plus en plus, tout au long du film. Rapt Ă lâitalienne est finalement lâhistoire de la dĂ©chĂ©ance dâun con. Sa descente aux enfers nâest pas celle quâon croit câest dans les cercles infernaux de sa propre mĂ©diocritĂ© quâil descend, jusquâĂ se faire canarder au milieu de ses kidnappeurs par des flics dĂ©guisĂ©s en curĂ©s accompagnant un faux enterrement ! Sauf que lui, personne ne le regarde, personne ne le photographie, il finit recroquevillĂ© contre une voiture, comme un fĆtus mort, encore plus minus que lorsquâil vivait dans lâindiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale... Plus on avance, moins il y a de choses drĂŽles dans les films de Dino Risi. Ses acteurs comiques tournent au poignant. La plus violente confrontation entre deux de ses monstres a lieu dix ans aprĂšs La Marche sur Rome, dans Au nom du peuple italien. Tognazzi est un petit juge zĂ©lĂ© incorruptible acharnĂ©, et Gassman un infect spĂ©culateur accusĂ© du meurtre dâune call-girl. Risi a donnĂ© lĂ son Crime et ChĂątiment mĂȘme rapports ambigus entre les deux protagonistes quâentre Raskolnikov et Porphyre chez DostoĂŻevski. Sur la plage sous la pluie, Gassman tombe dans le piĂšge de Tognazzi inventant, pour le confondre, de faux souvenirs dâenfance communs. ConvoquĂ© en plein bal masquĂ©, le capitaliste arrive dĂ©guisĂ© en centurion de pacotille dans le bureau du magistrat et dĂ©ploie un langage quasi-dalinien. Le ridicule bien rĂ©el de la situation annonce dâailleurs lâhallucination finale du juge qui voit un Gassman aux cents visages se multiplier parmi les supporters enflammĂ©s dâun match de foot. Un rĂ©alisateur normal français, par exemple, une fois le spectateur ayant compris que lâindustriel nâavait pas commis le meurtre, aurait Ă coup sĂ»r donnĂ© un sursaut de morale au juge qui, sâapercevant quâil devenait fou, aurait choisi de blanchir le non coupable. Ici, câest le contraire Tognazzi hĂ©site, puis brĂ»le le journal intime de la victime qui prouvait lâinnocence de Gassman. Son intĂ©gritĂ© se dĂ©sintĂšgre le fantasme de justice est plus fort que la vĂ©ritĂ©. Dans tous ces films, les fantasmes seront de plus en plus visibles. Ămes perdues, Dernier amour, Valse dâamour les titres des moins connus le soulignent. Risi fait ça trĂšs bien il accroche soudain aux regards songeurs de ses personnages des plans qui leur Ă©chappent. Ce ne sont pas des flash-backs, mais des absences prĂ©monitoires... La grande morbiditĂ© est dĂ©chirante. Lâun des derniers Risi est ce FantĂŽme dâamour que jâai vu dix fois au moins. CrĂ©pusculairement parfait. Avec la clarinette de Benny Goodman en prime... Ce film me bouleverse, je ne sais presque pas pourquoi. On est loin des poules, des trains, et autres monstres... Le monstre ici, câest lâamour qui fait ressusciter les morts... II faut le voir en version française, parce que les acteurs se douÂblent eux-mĂȘmes, avec leur accent. Romy Schneider va bientĂŽt mourir, Mastroianni est de plus en plus voĂ»tĂ© ils sont splendides et comme perdus dans cette histoire qui les dĂ©passe un homme retrouve par hasard son grand amour dâil y a vingt ans, mais câest devenu une petite vieille mĂ©connaissable, laide et malade Romy, grimĂ©e, magnifique. Il la revoit ensuite, belle et fragile, croit la voir se noyer sous ses yeux, veut la revoir. Tout est dans les visions de lâhomme hallucinĂ© par son amour mort. Un fantĂŽme de femme miraculĂ©e par le dĂ©sir intact... Puissance du souveÂnir qui par bouffĂ©es peut ramener la vie dans le prĂ©sent crevĂ© ! Le paraÂnoĂŻaque dĂ©pressif a raison de la perdre pour ne plus la quitter, jamais. II nâaura plus peur dâavancer dans le brouillard de Pavie. II nâaura plus peur dâĂȘtre hantĂ© par celle qui ne sera plus. Il nâaura plus peur de rien. Câest vachement bien comme on disait dans les annĂ©es 70 de revoir les films de Dino Risi tournĂ©s Ă la fin du siĂšcle dernier, car ils ne parlent que de ce qui prĂ©occupe le dĂ©but de ce siĂšcle-ci la peur. Pas seulement celle du terrorisme, parfaitement compris, mais celle qui suinte de toutes les Ăąmes. Tout le monde a peur en 2003. Quand les films de Dino Risi sont sortis, ceux qui les comprenaient riaient jaune. Aujourdâhui, ils feront pleurer noir ceux qui vont les dĂ©couvrir. v mMarc-Ădouard Nabe Livres Au rĂ©gal des vermines 1985 Zigzags 1986 Chacun mes goĂ»ts 1986 LâĂme de Billie Holiday 1986 Le Bonheur 1988 La Marseillaise 1989 Nabeâs Dream 1991 Rideau 1992 Visage de Turc en pleurs 1992 LâĂge du Christ 1992 Petits Riens sur presque tout 1992 Nuage 1993 Tohu-Bohu 1993 Lucette 1995 InchâAllah 1996 Je suis mort 1998 Oui 1998 Non 1998 Loin des fleurs 1998 et autres contes 1999 Coups dâĂ©pĂ©e dans lâeau 1999 Kamikaze 2000 Une lueur dâespoir 2001 Alain Zannini 2002 Printemps de feu 2003 Jâenfonce le clou 2004 Le Vingt-septiĂšme Livre 2009 LâHomme qui arrĂȘta dâĂ©crire 2010 LâEnculĂ© 2011 Les Porcs, tome 1 2017 Aux Rats des pĂąquerettes 2019 Les Porcs, tome 2 2020 Presse LâĂternitĂ© 1997 La VĂ©ritĂ© 2003 - 2004 Patience 2014 - ... Nabeâs News 2017 - ... Tracts Zidane la racaille 24 juillet 2006 Les Pieds-blancs 24 octobre 2006 Et Littell niqua Angot 23 novembre 2006 ReprĂ©sente-toi 1er mars 2007 La Bombe de DamoclĂšs 31 octobre 2007 Le ridicule tue 15 avril 2008 Sauver SinĂ© 20 septembre 2008 Enfin nĂšgre ! 20 janvier 2009 Textes non repris en volume La jambe 1986 Le courage de la fraĂźcheur 1996 La jungle de Bernstein 1997 Les tournesols de Dovjenko printemps 2000 Celui qui a dit merdre mai 2000 Mon meilleur ami juin 2000 Anthony Braxton Ă lâinstant mĂȘme juillet 2000 La mort de Polac automne 2000 LâathlĂšte de la larme 2001 Le Klaxon du fanfaron mars 2003 Le flou Baumann octobre 2003 Glauque Story novembre 2003 Je ne faisais pas bander Chanal novembre 2003 En 2003, le cinĂ©ma est mort dĂ©cembre 2003 LâOiseau de Dieu mars 2005 Le temps de voir et dâaimer Sirk octobre 2005 Le HuitiĂšme ciel dĂ©cembre 2005 Le vingt-septiĂšme Chorus juillet 2006 Pastorius Ă mort septembre 2007 Le cauchemar Duvivier mars 2010 LâEunuque raide printemps 2014 Sur Nabe LâAffaire Zannini 2003 Morceaux choisis 2006 Personnages Georges Ibrahim Abdallah Albert Algoud François Angelier Christine Angot Thierry Ardisson Paco Balabanov Bernard Barrault Jean-Dominique Bauby Guy Bedos Nicolas Bedos FrĂ©dĂ©ric Beigbeder Georges-Marc Benamou Pierre BĂ©nichou Jackie Berroyer Jean-Paul Bertrand Patrick Besson Paul-Ăric Blanrue François Boisrond Laurent Bosc GĂ©rard Bourgadier Anthony Braxton Lisa Bresner Renaud Camus Bertrand Cantat Carlos Catsap RenĂ© Caumer François Cavanna Pierre Chanal Jacques Chancel Professeur Choron Kenny Clarke Pierre ClĂ©menti Thomas Codaccioni Daniel Cohn-Bendit Lucien Combelle Marc Dachy Maurice G. 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