Surcette page, vous pouvez trouver la rĂ©ponse pour: Qu’est-ce qui est au milieu de Paris? Brain Test .Ne vous inquiĂ©tez pas car vous n’ĂȘtes pas seul. De nombreux autres joueurs ont montrĂ© qu’ils ne pouvaient pas passer ce niveau Ă©galement. Ce sujet contiendra les solutions du jeu d’énigme et de rĂ©flexion Brain Test Qu’est-ce qui est au milieu de Paris ?. Pour rappel, le jeu Brain Test français propose dans chaque niveau un anagramme Ă  rĂ©soudre. Vous devez formez des mots Ă  partir des lettres disponibles pour qu’elles soient placĂ©es dans les cases. Trouver des mots bonus vous fera gagner des piĂšces. Si vous en avez trouvĂ© alors n’hĂ©sitez pas Ă  les partager avec le reste des joueurs en commentaire. Sans tarder, voici les rĂ©ponses Ă  ce niveau Vous pouvez aussi consulter le reste des niveaux sur ce sujet qui contient, entre autres, une liste de sujets par question au cas oĂč les niveaux sont mĂ©langĂ©s Solution Brain Test Question Qu’est-ce qui est au milieu de Paris ? REGARDEZ BIEN LES LETTRES LA LETTRE R Je vous invite Ă  trouver dans le prochain sujet la suite du jeu Solution Brain Test Il a l’air si triste. Remontez-lui le moral.. N’hĂ©sitez donc pas Ă  y jeter un coup d’Ɠil si jamais vous aurez des soucis pour trouver la rĂ©ponse. A bientĂŽt Kassidi Amateur des jeux d'escape, d'Ă©nigmes et de quizz. J'ai créé ce site pour y mettre les solutions des jeux que j'ai essayĂ©s. This div height required for enabling the sticky sidebar LeCluster Eau-Milieux-Sols est une association loi 1901 facilitatrice d’innovation, au service de ses membres et des acteurs d’Ile-de-France. Notre but est de construire une dynamique collaborative au service de la gestion durable de l’eau, des milieux, des sols urbains et des biodĂ©chets. Le Cluster EMS compte plus de 180 membres publics, parapublics et privĂ©s, Accueil / SociĂ©tĂ© / ExposĂ© sur la protection de l’environnement 3250 CFA NB Les documents mis Ă  disposition sur ce site sont des documents Ă  exploiter, autrement dit des complĂ©ments pour parfaire votre travail. Ils ne sont pas faits pour ĂȘtre prĂ©sentĂ©s Ă  l’état. PLAN INTRODUCTION I-DÉFINITION II-HISTORIQUE III-LES PROBLÈMES ACTUELS DE L’ENVIRONNEMENT ET LEURS CAUSES IV-PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT AU BURKINA 1-Protection de l’environnement en tant que particulier 2-Protection de l’environnement en tant qu’entreprises 3-Mesures gĂ©nĂ©rales de protection de l’environnement IV-POLITIQUES DE PROTECTION ENVIRONNEMENTALE DU BURKINA FASO CONCLUSION INTRODUCTION Selon LE PETIT LAROUSSE l’environnement c’est tout ce qui nous entoure ». Le terme est synonyme de l’acceptation commune du mot milieu », c’est-Ă -dire, le milieu vivant. C’est dans ce sens qu’on peut parler par exemple de l’environnement d’une personne, d’un animal, d’une plante dans le sens oĂč l’on pense au milieu de vie. L’environnement c’est aussi l’ensemble des Ă©lĂ©ments qui constituent le voisinage d’un ĂȘtre vivant ou d’un groupe d’origine humaine, animale ou vĂ©gĂ©tal et qui sont susceptibles d’intĂ©grer avec lui directement ou indirectement. C’est qui entoure, ce qui est aux environs » Apres cette brĂšve dĂ©finition de l’Environnement au sens restreint, voyons quelles sont les actions que l’on peut mener afin de le protĂ©ger. I-DÉFINITION II-HISTORIQUE III-LES PROBLÈMES ACTUELS DE L’ENVIRONNEMENT ET LEURS CAUSES IV-PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT AU BURKINA 1-Protection de l’environnement en tant que particulier 2-Protection de l’environnement en tant qu’entreprises 3-Mesures gĂ©nĂ©rales de protection de l’environnement IV-POLITIQUES DE PROTECTION ENVIRONNEMENTALE DU BURKINA FASO CONCLUSION En nous rĂ©fĂ©rent Ă  la Bible, l’environnement est un Ă©lĂ©ment de la crĂ©ation. Cet environnement, de par la volontĂ© du crĂ©ateur est Ă  la disposition de l’homme Ă  qui Dieu avait demandĂ© de le cultiver et de le protĂ©ger. Afin de permettre Ă  l’homme de le faire, Dieu l’a créé avec une double dimension la dimension ecologicus-economicus. Par la dimension Ă©cologique, l’homme est un dĂ©fenseur et protecteur de son environnement. Il est alors de son devoir de conserver l’environnement pour lui et les gĂ©nĂ©rations Ă  venir. Pour tĂ©lĂ©charger l’exposĂ© complet il faut payer 5€. Vous pouvez payer par Mobile Money ou par Carte Bancaire. douleurau milieu du dos. Une douleur au milieu du dos peut indiquer une contracture musculaire ou un problĂšme de colonne vertĂ©brale, voire une hernie discale. La douleur est exacerbĂ©e par la position debout ou le maintien de la mĂȘme position pendant une pĂ©riode prolongĂ©e, ce qui peut tendre et enflammer les muscles et causer de la Par My B. Photos par Julie M. PubliĂ© le 23 aoĂ»t 2022 Ă  11h45 Envie de vous Ă©clater Ă  Paris au mois d'aoĂ»t ? On vous dĂ©voile 10 activitĂ©s aussi amusantes qu'originales pour profiter et sortir Ă  Paris cet Ă©tĂ© 2022. Sauter au milieu des balles, surfer en plein Paris, relever des dĂ©fis insolites, c'est le moment de tester des activitĂ©s que vous n'avez jamais essayĂ©es. Sortir Ă  Paris, on dit forcĂ©ment oui, mais sortir Ă  Paris en testant des concepts originaux, voilĂ  de quoi sĂ©duire les plus aventuriers d'entre vous ou en tout cas les adeptes des activitĂ©s qui sortent des sentiers battus. Heureusement, Paris ne manque pas d'animations et d'activitĂ©s insolites pour appĂąter l'Indiana Jones des temps modernes que vous ĂȘtes. Que vous soyez touriste de passage en vacances en quĂȘte d'une sortie fun et amusante Ă  faire entre amis ou en famille ou un Parisien blasĂ© qui pense avoir dĂ©jĂ  tout dĂ©couvert, on vous a concoctĂ© un guide aux petits oignons pour vous Ă©clater cet Ă©tĂ© et notamment ce mois d'aoĂ»t Ă  Paris. Vous savez, ces sorties oĂč vous vous dites, "Ah ouais, ça je n'ai jamais essayĂ© !", ou alors "J'aimerais trop tenter ce truc !". Eh bien, on y est, on est au mois d'aoĂ»t, vous avez le temps, c'est le moment de vous rĂ©veiller et d'aller expĂ©rimenter ces activitĂ©s dont vous direz ensuite "C'Ă©tait gĂ©nial !". Parmi les bons plans fun et insolites de Paris Pop air, l'expĂ©rience gonflable et immersive Ă  la Grande Halle de la Villette prolongationLa Grande Halle de La Villette accueille depuis le 14 avril une expĂ©rience gonflable inĂ©dite et ludique, Pop Air, rĂ©alisĂ©e en collaboration avec le Balloon Museum de Rome. L’exposition immersive est prolongĂ©e jusqu’au 4 septembre 2022. [Lire la suite] BL!NDT?ST , les salles de blind test digital Ă  ParisBL!NDT?ST, tout nouvel acteur du gaming, ouvre ses premiĂšres salles Ă  Paris. Ici, on joue bien Ă©videmment au blind test. C'est l'application qui dit si vous avez gagnĂ© ou perdu. Impossible de tricher ou d'ĂȘtre de mauvaise foi ! On a pu tester le concept, on vous raconte. [Lire la suite] Wam Park 77 Ă  Fontainebleau, on a testĂ© la base de loisirs avec toboggans gĂ©ants et jeux aquatiquesEn quĂȘte d'un parc aquatique aux portes de Paris ? On est parti Ă  la dĂ©couverte du Wam Park Fontainebleau dans le 77 au lac de La Grande Paroisse, une base de loisirs aux multiples activitĂ©s nautiques tĂ©lĂ©ski, Water Jump, structures aquatiques gonflables, terrasses flottantes, canoĂ« et pĂ©dalos. Pour se sentir en vacances sans quitter l'Ile-de-France, voilĂ  le spot idĂ©al pour s'amuser en famille et entre amis. [Lire la suite] Wave In Paris Le surf indoor dans la capitale !Et si on allait surfer en plein Paris ? Le premier complexe sportif de vague statique indoor vous attend dans le 15e arrondissement de la capitale. Filez expĂ©rimenter ce lieu unique oĂč on peut vivre des sensations de glisse inĂ©dites sur des planches de flowboard et de bodyboard, mĂ©lange de surf, snowboard et skateboard. [Lire la suite] iFLY Paris, la chute libre Indoor pour une expĂ©rience de vol insoliteSponsorisĂ© - iFLY Paris, c'est le fameux simulateur de chute libre indoor dans un immense tube de verre Ă  la Villette. iFLY vous permet de voler, sans risque, sans expĂ©rience, de 5 Ă  105 ans ! Et si on s'envolait ? [Lire la suite] Science ExpĂ©riences, le parcours immersif entre musĂ©e et parc d'attractions Ă  Paris - CODE PROMOOn se donne rendez-vous chez Science ExpĂ©riences, le tout nouveau concept ludique et immersif mĂȘlant musĂ©e et parcs d'attractions, rendant la science vivante Ă  Bercy Village. Le meilleur des moyens pour inciter petits et grands Ă  s'intĂ©resser aux sciences en la vivant de l'intĂ©rieur... Et pour nos lecteurs, nous avons cet Ă©tĂ© 2022 un code promo spĂ©cial Sortir Ă  Paris tout en bas de l’article ! [Lire la suite] Le musĂ©e du Louvre et les Secrets d'Arcadie 2, un grand jeu de l'Ă©tĂ© gratuit au Jardin des TuileriesLe musĂ©e du Louvre vous invite Ă  dĂ©couvrir son grand jeu gratuit en plein air cet Ă©tĂ©, du 9 juillet au 28 aoĂ»t 2022. En Ă©quipe de 2 Ă  6 maximum sur inscription, on doit fouiller le jardin des Tuileries pour dĂ©couvrir Le Secret d'Arcadie 2, une femme arcadienne exceptionnelle ! Des billets d'entrĂ©e, des livres et d'autres cadeaux. Accessible dĂšs 8 ans, vous allez adorer plonger dans cette aventure. [Lire la suite] Les parcours gonflables sur l'eau Ă  Paris et aux alentoursEnvie de vous Ă©clater sur l'eau ? Et si vous optiez pour un parcours aquatique de jeux gonflables sur plan d'eau pour allier plaisir et bonne baignade ? DĂ©couvrez les bons plans pour vous amuser en famille ou entre amis en profitant de la fraicheur tout en restant aux alentours de Paris durant ces vacances d'Ă©tĂ© 2022. 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ï»żIcon Sport PubliĂ© Mardi 23 AoĂ»t 2022 Ă  2030 Dans PSG. Partira ou partira pas. Telle est la question concernant l'avenir de Leandro Paredes au PSG. DestinĂ© Ă  un rĂŽle de doublure, le milieu de terrain a pourtant plusieurs grands clubs qui s'intĂ©ressent Ă  lui. Il y a certains joueurs qui vont sans aucun doute quitter le PSG comme Kurzawa, Navas, Diallo ou encore Gueye. Et d'autres oĂč la situation est plus dĂ©licate. C'est le cas de Leandro Paredes. Avec l'arrivĂ©e de Vitinha, mais surtout de Renato Sanches, la direction parisienne a envoyĂ© un message fort Ă  l'Argentin. Il a perdu sa place de titulaire. Si le joueur de 28 ans est soutenu par ses amis Messi et Neymar, Christophe Galtier est catĂ©gorique, il ne compte pas sur l'ancien joueur du ZĂ©nit Saint-PĂ©tersbourg qui devra se contenter de quelques bouts de matchs s'il dĂ©cide de rester au club de la capitale. Cette situation n'est pas passĂ©e inaperçue pour les voisins europĂ©ens du PSG qui sentent qu'une bonne affaire Ă  moindre coup est envisageable. Si la Juventus de Turin est la plus avancĂ©e sur le dossier, elle pourrait se faire doubler par un gĂ©ant de la Premier League. Paredes Ă  Liverpool, la folle rumeur Selon les informations de calciomercato, Liverpool est intĂ©ressĂ© par le profil de Leandro Paredes. Le club anglais qui subit souvent des blessures au niveau de son milieu de terrain, aimerait se renforcer sur ce secteur de jeu. L'international Argentin 44 sĂ©lections a un volume de jeu qui peut correspondre Ă  l'Angleterre et au rythme effrĂ©nĂ© de la Premier League. Si la Juventus reste en avance sur ce dossier, aucun accord n'a Ă©tĂ© trouvĂ© et tout reste Ă  faire pour convaincre Paredes qui sait toutefois que son avenir s'Ă©crit loin du PSG. Reste Ă  savoir si ce sera du cĂŽtĂ© des Reds de Jurgen Klopp ou avec son ancien coĂ©quipier et collĂšgue en sĂ©lection nationale, Angel Di Maria. Photo Icon_PL5_7768
LesĂ©tablissements de la Protection judiciaire de la Jeunesse mettent en Ɠuvre les mesures de placement soustrayant le mineur Ă  son milieu naturel. Le placement a pour objectif de replacer les mineurs dans une vie quotidienne de groupe ; organiser des activitĂ©s, notamment durant les temps forts que sont les soirĂ©es, les week-ends et les vacances. ParallĂšlement, les ExposĂ© prĂ©sentĂ© au colloque Georges Canguilhem. Science, technique, politique perspectives actuelles » LiĂšge, 22 avril 2016 par Pierre Macherey Depuis que les toutes premiĂšres publications de Georges Canguilhem ont Ă©tĂ© tirĂ©es de l’oubli dans lequel il les avait lui-mĂȘme relĂ©guĂ©es et ont Ă©tĂ© remises en circulation dans le tome I de l’édition de ses ƒuvres ComplĂštes, on ne peut plus ignorer que le point de dĂ©part de son parcours a Ă©tĂ© une philosophie du jugement et des valeurs, tournĂ©e vers l’affirmation d’un devoir-ĂȘtre, avec, Ă  la source et Ă  l’initiative de cette affirmation, une position philosophique de sujet qui en assume pleinement la responsabilitĂ© en philosophie, comme Ă  l’égard du monde du vivant et de la sociĂ©tĂ©, Canguilhem a fait d’emblĂ©e le choix du normatif ». À l’examen, il apparaĂźt que l’ensemble de l’Ɠuvre thĂ©orique qui a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e Ă  partir de ce point de dĂ©part et sur sa lancĂ©e est restĂ©e continĂ»ment fidĂšle Ă  cette exigence » ce n’est pas un hasard si ce mot, exigence », qui traduit la puissance normative propre Ă  un sujet assumant la pleine responsabilitĂ© de ses jugements, revient souvent sous la plume de Canguilhem. Cette rigoureuse obstination ne l’a cependant pas empĂȘchĂ© de pratiquer un esprit crĂ©atif d’invention et d’ouverture, en se confrontant aux manifestations plurielles de la vie ainsi qu’aux diverses rĂ©alisations historiques de la culture humaine sous les formes, principalement, de la technique, de la cognition et de l’organisation sociale, qui ne sont elles-mĂȘmes rien de plus, au degrĂ© de complication qui dĂ©finit chacune, que des rĂ©alisations de la dynamique vitale Ă  cĂŽtĂ© d’autres. Jusqu’au bout, Canguilhem est restĂ© un philosophe du devoir-ĂȘtre ; mais sa conception du devoir-ĂȘtre s’est considĂ©rablement enrichie, et s’est chargĂ©e d’implications qui, en la prĂ©cisant, en ont peu Ă  peu inflĂ©chi l’orientation premiĂšre1. En 1980, s’approchant du terme d’un parcours intellectuel entamĂ© cinquante ans plus tĂŽt, Canguilhem dĂ©clare Ă  la fin de sa confĂ©rence sur Le cerveau et la pensĂ©e Le Je n’est pas avec le monde en relation de survol, mais en relation de surveillance. »2 Est par lĂ  mise en balance la conception d’un sujet transcendant, soustrait au monde et s’assurant face Ă  lui une position exceptionnelle de domination et d’autoritĂ©, avec celle d’un sujet immanent Ă  la rĂ©alitĂ© et au processus complexe de ses relations internes qui, sans s’en extraire, remplit vis-Ă -vis de ce processus une fonction critique d’examen, l’interroge sur les valeurs que spontanĂ©ment il met en Ɠuvre, en discute les orientations d’une maniĂšre qui n’est pas seulement thĂ©orique mais pratique le premier est une entitĂ© mĂ©taphysique, et le second un ĂȘtre vivant, un sujet biologique. Il y a donc deux maniĂšres bien diffĂ©rentes d’en appeler Ă  un devoir-ĂȘtre l’une s’inscrit dans une perspective idĂ©ale d’absoluitĂ©, propre Ă  un sujet substantiel qui se situe Ă  la verticale du monde qu’il considĂšre de haut et de loin dans un esprit de lĂ©gitimation dont il se rĂ©serve l’entiĂšre initiative ; l’autre, au contraire, maintient une appartenance au monde d’oĂč se dĂ©gage, Ă  l’horizontale, et comme portĂ©e de biais de maniĂšre rasante, une leçon de relativitĂ© assumĂ©e par un sujet non plus substantiel mais modal, parce qu’il se tient Ă  la mesure de ce monde dont il est un Ă©lĂ©ment parmi d’autres, en nĂ©gociation, et Ă©ventuellement en conflit, donc en permanence en train de se mesurer avec eux, ce qui prĂ©cisĂ©ment dĂ©finit sa condition de mode » qui n’est pas substance ». La question que soulĂšve la juste comprĂ©hension de la pensĂ©e de Canguilhem et de l’évolution qu’elle a suivie sur un demi-siĂšcle est celle de savoir comment elle s’est situĂ©e et a profilĂ© ses allures propres, ses exigences, face Ă  cette alternative du dedans et du dehors, de l’immanence et de la transcendance, du relatif et de l’absolu, du subjectif et de l’objectif, dans laquelle il ne serait pas absurde de voir une manifestation de la polaritĂ© de la vie. L’hypothĂšse sous-jacente Ă  l’étude qui va suivre est que la prise en compte des implications objectives et subjectives de l’idĂ©e de milieu fournit un Ă©clairage privilĂ©giĂ©, sinon exclusif, sur la maniĂšre personnelle dont, en tant que sujet philosophique de pensĂ©e, Canguilhem a gĂ©rĂ© en pratique cette alternative du substantiel et du modal qui, de toutes façons, ses enjeux n’étant pas seulement thĂ©oriques et cognitifs, ne pouvait ĂȘtre tranchĂ©e dĂ©ductivement par les moyens du raisonnement pur, indĂ©pendamment des apports divers, contrastĂ©s, et pour une large part imprĂ©visibles de l’expĂ©rience et des matiĂšres Ă©trangĂšres » que celle-ci met en oeuvre. Pour rĂ©sumer briĂšvement les enjeux de cette hypothĂšse, elle revient Ă  avancer que, pour Canguilhem, le milieu n’a pas seulement Ă©tĂ© un objet de spĂ©culation, vis-Ă -vis duquel pĂ»t ĂȘtre adoptĂ©e, Ă  distance, une attitude de survol mais il lui a fourni le contexte, c’est-Ă -dire en un sens le milieu, avec les Ă©quivoques et les contrastes propres Ă  cette chose entre toutes bizarre et incertaine qu’est un milieu », depuis lequel, en y remplissant aussi rigoureusement que possible une fonction de surveillance, il a poursuivi son effort en vue d’assumer, en responsabilitĂ©, et dans un esprit d’exigence, la tĂąche de sujet philosophique et normatif de pensĂ©e qu’il s’était assignĂ©e. À la lumiĂšre de cette hypothĂšse, il apparaĂźt que la philosophie de Canguilhem pourrait bien ĂȘtre une philosophie du milieu, avec les deux valeurs objective et subjective du gĂ©nitif c’est-Ă -dire une philosophie nourrie par une rĂ©flexion sur l’idĂ©e de milieu ou Ă  son propos, mais aussi une philosophie situĂ©e en plein milieu de la rĂ©alitĂ© polaire dĂ©signĂ©e par cette idĂ©e dont elle Ă©pouse pas Ă  pas les fluctuations sans prĂ©juger de leur issue. Pour dĂ©velopper et mettre Ă  l’épreuve cette hypothĂšse, il faut reprendre le problĂšme Ă  son point de dĂ©part. Que signifie aux yeux de Canguilhem prendre parti philosophiquement en faveur d’un devoir-ĂȘtre ? Ce n’est pas apprĂ©hender celui-ci comme un terrain tout prĂ©parĂ© et structurĂ© dans lequel il n’y aurait qu’à s’engager sans l’interroger au prĂ©alable sur ses conditions de possibilitĂ©. Or ces conditions sont et ne peuvent ĂȘtre que polĂ©miques et antagoniques. Choisir la voie du devoir-ĂȘtre pour s’orienter dans la pensĂ©e, c’est rĂ©cuser l’autre voie possible, qui est celle de l’ĂȘtre et de ses intangibles nĂ©cessitĂ©s contre lesquelles butent les exigences axiologiques, ce qui contraint ces exigences Ă  se dĂ©mettre en faveur de ces nĂ©cessitĂ©s. Tout au long de son parcours intellectuel, Canguilhem a Ă©tĂ© aux prises avec un adversaire qui est, peut-on dire, l’ontologisme celui-ci se manifeste aussi bien Ă  travers l’illusion de normalitĂ©, qui ramĂšne le normal Ă  une catĂ©gorie de l’ĂȘtre, qu’à travers la reprĂ©sentation de la technique comme science appliquĂ©e, qui mĂ©connaĂźt son caractĂšre vital d’expĂ©rience pratique associant travail, main mise et prise de risque sur fond d’aventure3, ou encore Ă  travers l’objectivisme causal qui, grĂące Ă  une procĂ©dure d’abstraction, ramĂšne la rĂ©alitĂ© Ă  un ensemble de dĂ©terminations donnĂ©es de toute Ă©ternitĂ©, dont il ne reste Ă  la connaissance scientifique qu’à formuler, soi-disant telles quelles, les lois. L’ontologisme, dont les manifestations sur le plan de la cognition sont le positivisme et le scientisme, et plus gĂ©nĂ©ralement ce qu’on peut appeler le reprĂ©sentativisme, consiste dans la remise Ă  plat, la neutralisation et la rĂ©ification des donnĂ©es du monde et des expĂ©riences de la vie, maintenues sous une garantie uniforme d’objectivitĂ© modulĂ©e, comme l’explique Hegel dans le premier tome de sa Science de la logique qui est consacrĂ© prĂ©cisĂ©ment Ă  une logique de l’ĂȘtre », sous les catĂ©gories de la qualitĂ©, de la quantitĂ© et de la mesure, catĂ©gories qui, Ă  des niveaux diffĂ©rents de complication, exploitent le mĂȘme fond commun, l’ĂȘtre tel qu’il est ou est censĂ© ĂȘtre, dont elles mettent en Ă©vidence et renforcent l’unitĂ© dans une telle perspective, penser c’est, sous les formes les plus diverses, penser un, donc uniformiser, homogĂ©nĂ©iser, cohĂ©rer, faire converger, rassembler, et en derniĂšre instance confondre, sous la caution d’un ontologisme primaire qui rĂ©duit les diffĂ©rences en les plaçant sous une Ă©chelle commune d’apprĂ©ciation. Selon Hegel, c’est l’étroitesse spĂ©cifique Ă  cette maniĂšre de penser qui contraint Ă  la dĂ©passer, en renonçant Ă  penser un, au premier degrĂ©, pour se mettre Ă  penser deux, forme rĂ©flexive propre Ă  ce qu’il appelle une logique de l’essence, qui introduit dans l’ĂȘtre la puissance divisante du nĂ©gatif, et prĂ©pare ainsi le passage d’une logique objective Ă  une logique subjective, ou logique du concept ; cette derniĂšre consiste Ă  penser trois, par le biais de la transfiguration de la nĂ©gation simple, encore Ă  l’Ɠuvre dans la logique de l’essence, en nĂ©gation absolue ou nĂ©gation de la nĂ©gation qui, par une opĂ©ration d’Aufhebung dont le modĂšle est fourni par le calcul et par la grammaire, assure, aprĂšs une longue suite de dĂ©tours, le retour du positif, et referme sur lui-mĂȘme le cercle de la spĂ©culation logique. La critique de l’ontologisme, qui, alimentĂ©e par la confrontation Ă  des matiĂšres Ă©trangĂšres » fournies en derniĂšre instance par les diverses manifestations de la vie naturelle et sociale, donne son impulsion Ă  la rĂ©flexion philosophique de Canguilhem, dĂ©bouche elle aussi sur une conception qui fait fond sur le principe de la nĂ©gativitĂ© et qu’il n’hĂ©site pas Ă  appeler Ă  l’occasion dialectique », quoiqu’elle diverge sur le fond par rapport Ă  la conception hĂ©gĂ©lienne qui relĂšve en derniĂšre instance d’une philosophie de l’Esprit dont le fil conducteur est le finalisme, voie royale assurant le retour du mĂȘme une fois toutes les diffĂ©rences surmontĂ©es or, ce qu’on vient de dĂ©signer Ă  l’essai en se servant de la formule philosophie du milieu », – on pourrait aussi parler d’une philosophie au milieu » –, se situe prĂ©cisĂ©ment en alternative Ă  une philosophie de l’Esprit, tentative ou tentation rĂ©conciliatrice, dont Canguilhem n’a cessĂ© de se dĂ©marquer4, ce qui, si on y rĂ©flĂ©chit bien, est une façon de reconnaĂźtre implicitement, sinon son bien-fondĂ©, du moins la puissance d’attraction qui, tel un phĂ©nix, fait interminablement renaĂźtre de ses cendres cette forme idĂ©alisante de spĂ©culation que constitue le spiritualisme, contre laquelle on n’a jamais fini de mener combat. La dialectique » dont il lui arrive de se rĂ©clamer Ă  titre personnel, nourrie par la lecture de l’Essai pour introduire en philosophie le concept de grandeurs nĂ©gatives de Kant, par celle des oeuvres de Renouvier et de Hamelin, par celle des philosophes nĂ©o-kantiens des valeurs de l’école de Heidelberg, et pour finir par celle des travaux que Bachelard a consacrĂ©s aux jeux contrastĂ©s de la connaissance scientifique et de l’imagination, consiste pour l’essentiel en une philosophie du non » qui fait jouer Ă  plein, sous un horizon d’inachĂšvement, le principe de la nĂ©gativitĂ© en Ă©cartant la possibilitĂ© de sa conversion magique en nĂ©gation de la nĂ©gation destinĂ©e Ă  assurer, sous la figure d’un ontologisme de part en part spiritualisĂ©, et refinalisĂ©, le retour triomphal de la positivitĂ©. Les rĂ©fĂ©rences philosophiques, d’inspiration expressĂ©ment anti-hĂ©gĂ©liennes, qui viennent d’ĂȘtre Ă©voquĂ©es, renvoient Ă  un remaniement de la perspective dialectique, qui assigne au nĂ©gatif une position d’altĂ©ritĂ© ne devant pas ĂȘtre interprĂ©tĂ©e de maniĂšre dĂ©fective mais affirmative. Comme l’écrit Kant en vue de repenser le rapport entre action et rĂ©action dĂ©veloppĂ© par la physique newtonienne Les grandeurs nĂ©gatives ne sont pas des nĂ©gations de grandeurs 
] mais au contraire quelque chose de vraiment positif en soi, qui est simplement opposĂ© Ă  l’autre grandeur positive. »5 Il s’agit donc d’opposĂ©s rĂ©els, dont seule la relation est marquĂ©e par la nĂ©gativitĂ©, Ă©tant Ă©cartĂ©e la possibilitĂ© qu’aucun des termes de cette relation puisse ĂȘtre considĂ©rĂ© comme nĂ©gatif ou positif en soi autrement dit, ceux-ci, tout en s’opposant, coexistent et d’une certaine maniĂšre se complĂštent6, s’appellent rĂ©ciproquement, sans toutefois se concilier ni fusionner. Ce qui est rĂ©el », ce qui constitue la trame de la rĂ©alitĂ© en tant que milieu, milieu de vie ou milieu de pensĂ©e, ce n’est pas l’un Ă  l’exclusion de l’autre, c’est-Ă -dire en fin de compte l’un sans l’autre, mais leur relation antagonique, leur contrariĂ©tĂ© » dirait Hamelin7, donc leur polaritĂ©, qui, si elle est amenĂ©e Ă  revĂȘtir des formes indĂ©finiment variĂ©es, ne peut ĂȘtre rĂ©solue, c’est-Ă -dire supprimĂ©e, dans l’absolu. Dans cet esprit, Rickert soutient Pour progresser jusqu’au tout, la philosophie doit Ă©tudier partout l’un et l’autre, donc procĂ©der de maniĂšre hĂ©tĂ©rologique. Sa mĂ©thode est apparentĂ©e Ă  la mĂ©thode dialectique » au sens de Hegel et doit malgrĂ© tout en ĂȘtre nettement sĂ©parĂ©e. La nĂ©gation de la thĂšse, ou l’antithĂšse, ne suffit pas. Il s’agit, avec l’hĂ©tĂ©rologie d’une ad-jonction Er-GĂ€nzerung positive de la thĂšse. »8 Lorsque Canguilhem Ă©crit, en 1943, dans son Essai sur quelques problĂšmes concernant le normal et le pathologique Le pathologique doit ĂȘtre compris comme une espĂšce du normal, l’anormal n’étant pas ce qui n’est pas normal, mais ce qui est un autre normal »9, il adopte prĂ©cisĂ©ment le point de vue hĂ©tĂ©rologique dĂ©fendu par Rickert. Ce point de vue est Ă  la base de son concept de valeurs nĂ©gatives » qui, paradoxalement, en introduisant la nĂ©gation au cƓur des valeurs, conduit dialectiquement Ă  affirmer, au sens fort du terme, la nĂ©cessitĂ© de leur conflit, qui constitue leur horizon indĂ©passable vivre, travailler, connaĂźtre, c’est, sous des formes variĂ©e, se trouver en plein milieu ou au coeur de ce conflit des valeurs, donc y participer en adoptant Ă  son Ă©gard une attitude d’extrĂȘme vigilance. Dans la partie complĂ©mentaire du Normal et le Pathologique rĂ©digĂ©e vingt ans aprĂšs » l’Essai, cette position est Ă  nouveau affirmĂ©e, Ă©tant cette fois accompagnĂ©e de la rĂ©fĂ©rence Ă  Bachelard, que Canguilhem situe dans le mĂȘme courant dialectique » qui met en avant le concept d’opposition au dĂ©triment de celui de contradiction Une norme tire son sens, sa fonction et sa valeur du fait de l’existence en dehors d’elle de ce qui ne rĂ©pond pas Ă  l’exigence qu’elle sert. Le normal n’est pas un concept statique ou pacifique, mais un concept dynamique et polĂ©mique. G. Bachelard, qui s’est beaucoup intĂ©ressĂ© aux valeurs sous leur forme cosmique ou populaire, et Ă  la valorisation selon les axes de l’imagination, a bien aperçu que toute valeur doit ĂȘtre gagnĂ©e contre une antivaleur. »10 Lorsqu’il a pris connaissance des travaux de Goldstein, Canguilhem a Ă©tĂ© confirmĂ© dans cette orientation de pensĂ©e qui, comme Marx s’y Ă©tait dĂ©jĂ  essayĂ© en empruntant d’autres voies, conduit Ă  expurger la dialectique de ses prĂ©supposĂ©s hĂ©gĂ©liens, prĂ©supposĂ©s qui, par une sorte de miracle spĂ©culatif, associent nĂ©cessitarisme et finalitĂ©. Ceci posĂ©, l’appel aux valeurs propre Ă  une philosophie du devoir-ĂȘtre revĂȘt sa pleine dimension. Si les valeurs contestent les faits, ce n’est pas qu’elles aient la prĂ©tention de se substituer Ă  eux elles ne sont pas des faits de niveau supĂ©rieur, comme le professe le platonisme de premier degrĂ© qui soutient la doctrine cousinienne Du vrai, du Beau, du Bien », une maniĂšre de voir Ă  laquelle il est impensable que Canguilhem ait pu, par un biais ou un autre, se rallier. Les valeurs, qui sont en conflit entre elles davantage qu’elles ne sont en conflit avec les faits, ne sont pas des possibles idĂ©aux, des formes rationnelles en attente de leur rĂ©alisation sur laquelle elles anticiperaient, et dont l’évocation obĂ©it fatalement au mouvement rĂ©trograde du vrai. De ce point de vue, Canguilhem se place dans le sillage de la critique de la mĂ©taphysique effectuĂ©e par Kant dans la Dialectique transcendantale » de la Critique de la raison pure les valeurs qui orientent des jugements ne correspondent Ă  rien de rĂ©el en soi qui puisse faire l’objet d’une connaissance avĂ©rĂ©e ; elles se contentent de remplir Ă  l’égard de ce qui arrive une fonction rĂ©gulatrice, du type de celle exercĂ©e par les idĂ©es de la raison, qui consiste en l’indication, sur le mode du comme si », de possibilitĂ©s, rien de plus. Si les valeurs interviennent dans les rĂ©seaux complexes de la rĂ©alitĂ©, c’est donc en tant que possibles rĂ©els » qui, Ă  mĂȘme son dĂ©roulement, rĂ©vĂšlent la nĂ©gativitĂ© immanente Ă  ses relations et en impulsent dynamiquement les transformations ; elles ne sont pas un autre rĂ©el mais ce qui, au sein mĂȘme du rĂ©el, l’incite Ă  devenir autre, Ă  emprunter des allures nouvelles rĂ©pondant aux exigences qu’elles formulent. De tels possibles sont Ă  tous Ă©gards utopiques », au sens oĂč l’utopie n’est pas l’évocation, au futur, d’un autre monde destinĂ© Ă  prendre la place de celui qui existe actuellement, mais reprĂ©sente, Ă  l’intĂ©rieur de ce monde-ci, au prĂ©sent, le travail du nĂ©gatif qui le taraude et le hante dans ses profondeurs, en rĂ©vĂ©lant que, tel qu’il est, ça ne va pas, etwas fehlt » pour reprendre une terminologie utilisĂ©e par Derrida, la vĂ©ritable alternative aux Ă©vidences et aux nĂ©cessitĂ©s de l’ontologie, c’est une hantologie »11. L’historicitĂ© telle que Canguilhem la conçoit, suivant la leçon de Renouvier, c’est avant tout le sens du possible qui impulse un devenir les valeurs qui confortent ce sens ne planent pas au-dessus du monde tel qu’il est, en se tenant en position de survol, elles ne prophĂ©tisent pas ; mais, en en suivant pas Ă  pas les tours et les dĂ©tours, en se glissant dans ses plis, elles en reprĂ©sentent la contestation interne. La fonction de surveillance qu’il leur revient en propre d’exercer rĂ©vĂšle que les faits » sous les apparences desquels la rĂ©alitĂ© se manifeste ne sont pas, comme on se le figure naĂŻvement, des tout faits », sous une forme achevĂ©e, statique, Ă  prendre ou Ă  laisser comme telle. C’est pourquoi les vraies valeurs, celles qui sont en mesure d’enclencher une dynamique normative, sont toutes sans exception des valeurs nĂ©gatives ; elles reprĂ©sentent l’intrusion du nĂ©gatif dans l’état de fait qu’elles remettent en question, et ouvrent ainsi, dans un climat d’incertitude et d’insĂ©curitĂ©12, la perspective d’un devenir ce sont elles qui polarisent en incitant, lĂ  oĂč on a l’habitude de ne voir qu’un, Ă  penser deux, donc Ă  faire la diffĂ©rence, Ă  diviser, Ă  s’opposer, dans un esprit, non d’acceptation, mais de contestation et de refus13. À cela s’ajoute que ces valeurs, dont la position rĂ©pond au mouvement mĂȘme de la vie, n’ont pas le statut de formes dĂ©finitivement structurĂ©es et prĂ©cisĂ©ment localisĂ©es vers lesquelles il n’y aurait qu’à faire retour ce sont des tendances, qui, tournĂ©es vers l’avant, propulsent le donnĂ© dans le sens de sa transformation, sa VerĂ€nderung » dirait-on dans le langage de Marx ; elles ne consistent pas en l’adaptation Ă  des normes imposĂ©es du dehors mais en l’invention de nouvelles normes dont le style, le schĂšme » dirait-on dans le langage de Kant14, se prĂ©cise au fur et Ă  mesure de leur exercice. C’est pourquoi, thĂšse sur laquelle Canguilhem est revenu inlassablement, sans trouver de raison valable pour la remettre en question, c’est la maladie qui est la vĂ©ritĂ© de la santĂ©, le pathologique l’épreuve du normal, et non l’inverse Vivre, pour l’animal dĂ©jĂ , et Ă  plus forte raison pour l’homme, ce n’est pas seulement vĂ©gĂ©ter et se conserver, c’est affronter des risques et en triompher. La santĂ© est prĂ©cisĂ©ment, et principalement chez l’homme, une certaine latitude, un certain jeu des normes de la vie et du comportement. Ce qui la caractĂ©rise, c’est la capacitĂ© de tolĂ©rer la variation des normes auxquelles seule la stabilitĂ©, apparemment garantie et toujours nĂ©cessairement prĂ©caire, des situations et du milieu, confĂšre une valeur trompeuse de normal dĂ©finitif. »15 Cela est vrai de toutes les expĂ©riences de la vie sans exception, au nombre desquelles l’effort en vue de connaĂźtre objectivement la rĂ©alitĂ© qui dĂ©finit en propre l’esprit scientifique cet effort, bien loin de procĂ©der d’une rupture avec le monde de la vie qui, une fois accomplie, permettrait de suivre, d’acquis en acquis, une voie uniment progressive rĂ©pondant aux seules nĂ©cessitĂ©s du raisonnement pur, n’avance que sous l’impulsion du conflit des valeurs, Ă  travers la confrontation Ă  des valeurs nĂ©gatives, c’est-Ă -dire en surmontant sans cesse des obstacles ; l’histoire des sciences a prĂ©cisĂ©ment pour contenu cette interminable confrontation, dont elle restitue les incidences et les rebonds, en s’abstenant de supposer que ceux-ci conduisent quelque part et constituent, sur le modĂšle d’un chemin de croix spĂ©culatif, les Ă©tapes menant Ă  un terme dĂ©finitif qui serait la vĂ©ritĂ© ultime et positive des choses. Sur ces bases, il est possible de prendre en considĂ©ration la rĂ©flexion que Canguilhem a consacrĂ©e Ă  l’idĂ©e de milieu et d’examiner le sens dans lequel elle s’est orientĂ©e. Ce qui caractĂ©rise dĂšs l’abord cette idĂ©e, c’est l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© et la dispersion des champs auxquels elle renvoie, ce qui favorise la prolifĂ©ration des valeurs nĂ©gatives. Ses implications sont si diverses, mĂȘlĂ©es et fluctuantes16, qu’elles en remettent en cause la consistance et la fiabilitĂ©, ce qui ne la rend pas moins stimulante intellectuellement, bien au contraire la pensĂ©e, comme l’histoire, comme la vie, n’avance pas que par ses bons cĂŽtĂ©s ou par ses bons concepts sur une ligne toute droite dont il n’y aurait qu’à suivre du dĂ©but jusqu’à la fin le tracĂ©17. Lorsque, suivant sa mĂ©thode habituelle, Canguilhem a abordĂ© le concept de milieu par le biais de l’histoire complexe de sa formation, c’est-Ă -dire aussi de ses transformations et de ses dĂ©formations, il lui a assignĂ© Ă  la fois des commencements et une origine. Ses commencements se situent factuellement sur la plan de la gnosĂ©ologie physique c’est dans le contexte propre Ă  la mĂ©canique newtonienne, fondĂ©e sur le principe de l’action Ă  distance rĂ©cusĂ© par le cartĂ©sianisme, que cette idĂ©e, qui a Ă©tĂ© ensuite transposĂ©e dans le champ de la biologie, a commencĂ© Ă  s’élaborer, puis s’est dĂ©veloppĂ©e dans une perspective d’élargissement et d’extension. Toutefois, ces commencements, et ce qui en est peu Ă  peu sorti, au terme de dĂ©bats dont celui du lamarckisme, thĂ©orie de l’adaptation au milieu, et du darwinisme, thĂ©orie de la sĂ©lection par le milieu18, fournit une illustration exemplaire, ne restituent pas toute la portĂ©e de ce concept. Celle-ci ne se rĂ©vĂšle que si on remonte jusqu’à son origine, bien antĂ©rieure Ă  ses commencements effectifs. Comme Canguilhem le montre tout Ă  la fin de son article sur Le vivant et son milieu », oĂč, aprĂšs avoir restituĂ© l’histoire sinueuse suivie par l’idĂ©e de milieu de la fin du XVIIe siĂšcle jusqu’au XXe siĂšcle, il effectue un Ă©tonnant retour en arriĂšre de deux mille ans, cette origine est stoĂŻcienne C’est la thĂ©orie de la sympathie universelle, intuition vitaliste du devenir universel, qui donne son sens Ă  la thĂ©orie gĂ©ographique des milieux. Cette thĂ©orie suppose l’assimilation de la totalitĂ© des choses Ă  un organisme, et la reprĂ©sentation de la totalitĂ©, sous la forme d’une sphĂšre, centrĂ©e sur la situation d’un vivant privilĂ©giĂ© l’homme. »19 Ce type de spĂ©culation, qui assimile le monde non Ă  un mĂ©canisme mais Ă  un organisme, est orientĂ© dans le sens d’une totalisation tournĂ©e vers le dedans, ce qui suppose un centre, et non plus dans celui d’une expansion indĂ©finie, tendanciellement dĂ©centrĂ©e, tournĂ©e vers le dehors, selon le modĂšle qui a fini par prĂ©dominer lorsque, Ă  l’époque moderne, la reprĂ©sentation de l’univers infini a supplantĂ© celle d’un cosmos fini et fermĂ© sur lui-mĂȘme. La notion de milieu, telle qu’elle se prĂ©sente aujourd’hui, prend sens Ă  la croisĂ©e, et en quelque sorte au milieu » de ces deux tendances opposĂ©es dont l’une lui confĂšre le caractĂšre d’une donnĂ©e objective offerte Ă  l’analyse et au calcul, alors que l’autre revĂȘt une dimension subjective qui relĂšve en derniĂšre instance d’une conviction imaginaire, celle de se trouver au centre du monde. Milieu », mot lui-mĂȘme composĂ©, s’écrit et se comprend selon la premiĂšre perspective, dĂ©rivĂ©e de ses commencements, mi-lieu », qui constitue un champ intermĂ©diaire Ă  l’intĂ©rieur d’un espace dĂ©centrĂ© et homogĂšne ; selon la seconde, qui dĂ©rive de son origine, il s’écrit et s’interprĂšte mi-lieu », en rĂ©fĂ©rence Ă  la position d’un centre situĂ© Ă  l’intĂ©rieur d’un espace qualifiĂ© et diffĂ©renciĂ©20. Être au milieu », formule dont Pascal se sert pour caractĂ©riser la condition humaine, c’est ĂȘtre au rouet » de ces deux orientations opposĂ©es dont le conflit, la disproportion » comme l’appelle Pascal, gĂ©nĂšre une inquiĂ©tude existentielle21. Toute la question est de savoir si la conception objective » du milieu, qui a donnĂ© naissance Ă  une nouvelle physique, fondĂ©e sur le principe gĂ©nĂ©ral du dĂ©terminisme, d’oĂč le concept de milieu a tirĂ© ses commencements, a dĂ©finitivement supplantĂ© la conception subjective » qui a constituĂ© son origine, aprĂšs que celle-ci ait Ă©tĂ© disqualifiĂ©e au nom du primat de la raison sur l’imagination. Or, il n’en est rien, comme on est amenĂ© Ă  le constater lorsqu’on aborde la notion de milieu au point de vue de la connaissance de la vie, dans une perspective qui n’est plus abstraite et thĂ©orique mais concrĂšte et pratique en effet, il apparaĂźt alors qu’il n’y a pas de milieu en soi, entiĂšrement dĂ©terminĂ© dans son ĂȘtre par des conditions naturelles, mais il n’y a de milieux que pour des vivants, en relation avec leurs besoins et leurs tendances qui ne cessent de les reconfigurer22. La connaissance de la vie n’a pas affaire Ă  des ĂȘtres dont la constitution pourrait ĂȘtre Ă©tudiĂ©e indĂ©pendamment des rapports qu’ils entretiennent avec un milieu d’existence, qui serait lui-mĂȘme dĂ©terminĂ© en fonction de ses lois propres, donc indĂ©pendamment des vivants qui l’investissent sous des formes qui font intervenir la considĂ©ration non seulement de l’ĂȘtre mais d’un devoir-ĂȘtre pour cette forme spĂ©cifique de connaissance, et c’est ce qui la singularise radicalement, ce qui existe d’emblĂ©e c’est l’ensemble fluctuant des relations d’interpĂ©nĂ©tration rĂ©ciproque entre des vivants et leurs milieux d’existence, ensemble qui constitue une totalitĂ© Ă  la fois indĂ©composable, inanalysable, et en cours permanent de transformation. Les milieux des vivants ne sont pas des Ă©tats donnĂ©s une fois pour toutes, relevant d’une logique de l’ĂȘtre, mais des champs d’action, d’intervention et de circulation, offerts comme tels au sens du possible, dans une perspective non pas ontologique mais axiologique23. Cette nouvelle approche de la notion de milieu est confirmĂ©e, sur le plan de l’éthologie animale par la distinction que fait UexkĂŒll entre Umgebung environnement gĂ©ographique neutralisĂ© et Umwelt monde centrĂ© sur un sujet d’initiatives mettant en Ɠuvre ses valeurs propres, sur le plan de la gĂ©ographie humaine par le possibilisme »24 de Vidal de La Blache, sur le plan de la pathologie humaine par la rĂ©flexion de Goldstein au sujet du Kranksein, et sur le plan de l’ergonomie par les Ă©tudes que Friedmann a consacrĂ©es aux aspects proprement humains, non mĂ©canisables, du travail industriel25 les uns et les autres ont rĂ©orientĂ© la conception du milieu dans le sens de son recentrement sur un sujet axiologique, Ă  l’opposĂ© de la tendance dĂ©terministe, objectivante et neutralisante, privilĂ©giĂ©e par un rationalisme positiviste et scientiste. Toutefois, il ne faudrait pas croire que cette resubjectivation va dans le sens d’un retour en arriĂšre, c’est-Ă -dire d’une rĂ©habilitation de l’animisme sur lequel avait Ă©tĂ© bĂątie la conception antique du cosmos elle amĂšne au contraire Ă  reprendre de fond en comble, en vue de reconstruire cette notion sur de nouvelles bases, la notion de sujet en tant que principe centralisateur autour duquel un monde se dispose et s’organise, donc prend forme dynamiquement. Pour y voir plus clair Ă  ce sujet, il est utile de revenir Ă  la question de l’anthropocentrisme, qui est au cƓur, reprenons les termes de Canguilhem qui viennent d’ĂȘtre citĂ©s, de la reprĂ©sentation de la totalitĂ©, sous la forme d’une sphĂšre, centrĂ©e sur la situation d’un vivant privilĂ©giĂ© l’homme ». Cette reprĂ©sentation, qui a longtemps prĂ©valu, a Ă©tĂ© disqualifiĂ©e quand a Ă©tĂ© effectuĂ©, Ă  l’époque moderne, le passage du gĂ©ocentrisme Ă  l’hĂ©liocentrisme dont a rĂ©sultĂ© une objectivation de la notion de milieu allant dans le sens de son illimitation et de son dĂ©centrement l’homme n’a pu alors continuer Ă  se percevoir comme se trouvant au centre du monde, et d’un monde fait Ă  sa mesure, mais il a Ă©tĂ© rejetĂ© Ă  sa pĂ©riphĂ©rie, une pĂ©riphĂ©rie qui se trouve Ă  la fois partout et nulle part. Mais, congĂ© ayant Ă©tĂ© ainsi donnĂ© au prĂ©jugĂ© anthropocentriste, on n’en a pas fini pour autant avec un autre prĂ©supposĂ©, qui est celui de l’anthropomorphisme, comme le montre Canguilhem dans son article sur L’homme et l’animal d’un point de vue psychologique selon Charles Darwin ». Dans La Descendance de l’homme 1871 et dans l’ouvrage consacrĂ© Ă  l’Expression des Ă©motions chez l’homme et chez l’animal 187226 sont jetĂ©es les bases d’une psychologie comparĂ©e qui relie l’homme et l’animal en installant entre eux une diffĂ©rence, non de nature, mais de degrĂ©, ce qui revient Ă  projeter sur l’ensemble des vivants un principe de mesure que son caractĂšre quantitatif rend homogĂšne dans l’abstrait, et qui est en rĂ©alitĂ© calquĂ© sur le type des classifications humaines. Alors, c’est par rapport Ă  l’homme que l’ensemble des vivants se trouve Ă©valuĂ©, ce qui incite Ă  nous reprĂ©senter comme des animaux Ă  valeur ajoutĂ©e »27, donc, inversement, Ă  reprĂ©senter les animaux comme des hommes Ă  valeur diminuĂ©e, et mĂȘme, si on adopte le paradigme de l’échelle des ĂȘtres, de plus en plus diminuĂ©e. En consĂ©quence, c’est dĂ©valoriser l’animal pour valoriser l’homme au nom de la conception que celui-ci se fait de ses propres valeurs, alors que celles-ci sont Ă©trangĂšres Ă  celles des autres vivants En somme la Descendance de l’homme aurait seulement opĂ©rĂ© un coup de force dans la nomenclature. L’adjectif sapiens, jusqu’alors accolĂ© Ă  homo, serait dĂ©sormais accolĂ© Ă  animal, homo y compris. Mais dans ce transfert l’adjectif conserverait quelque empreinte du substantif auquel il Ă©tait initialement appliquĂ©. »28 Suivi jusqu’à ses ultimes consĂ©quences, ce prĂ©supposĂ© anthropomorphique conduit Ă  penser qu’il n’y a de vrai sujet, pleinement constituĂ©, qu’humain, les autres vivants Ă©tant renvoyĂ©s au statut de quasi sujets, sujets incomplets, imparfaits, voire mĂȘme manquĂ©s, auxquels fait dĂ©faut, du moins en partie, la capacitĂ© entiĂšre d’évaluation et de jugement qui appartient Ă  l’humain comme tel et le dĂ©finit. Cette position est celle d’un Ă©volutionnisme de premier degrĂ©, au point de vue duquel l’antĂ©rieur est automatiquement infĂ©rieur, et le postĂ©rieur supĂ©rieur. Or, dĂšs la thĂšse de mĂ©decine de 1943, Canguilhem avait pris nettement distance avec une telle maniĂšre de voir Vivre, c’est, mĂȘme chez une amibe, prĂ©fĂ©rer et exclure. »29 PrĂ©fĂ©rer et exclure, en faisant la diffĂ©rence entre ce qui est estimĂ© utile et le nuisible, manifestations Ă©lĂ©mentaires de la polaritĂ© de la vie, c’est exprimer des exigences, en rapport avec un devoir-ĂȘtre, donc, au sens propre du terme, juger, mĂȘme si ce n’est pas en conscience et Ă  bon escient. Dans des notes rĂ©digĂ©es en 1941 au moment oĂč Canguilhem est engagĂ© dans le travail de prĂ©paration de sa thĂšse de mĂ©decine, il Ă©crit Si nous admettons, en accord du reste avec la suggestion Ă©tymologique, que juger c’est discriminer et Ă©valuer, pourquoi refuserions-nous le jugement mĂȘme Ă  une amibe, Ă  un vĂ©gĂ©tal ? Partout oĂč il y a vie [
] il y a discernement et choix et donc il y a jugement. Parce que la conscience relative dont il jouit permet Ă  l’homme de construire une thĂ©orie du jugement, cela n’entraĂźne pas que la puissance de juger commence Ă  lui et soit refusĂ©e aux vivants autres que lui. »30 De ce que la puissance de juger ne commence pas Ă  l’homme rĂ©sulte que ce n’est pas en fonction des normes Ă©dictĂ©es par l’homme d’aprĂšs les modalitĂ©s spĂ©cifiques que cette puissance de juger revĂȘt pour lui et si l’on veut en lui, dans son monde propre, que celle-ci doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e gĂ©nĂ©ralement, ce qui revient Ă  la faire rentrer dans une grille homogĂšne et continue oĂč toutes les formes possibles d’exercice de cette puissance de prĂ©fĂ©rer et d’exclure sont rabattues sur un mĂȘme type intellectualisĂ© repris de l’homme. De ce point de vue, le prĂ©jugĂ© anthropomorphique n’est qu’un avatar de l’ontologisme qui fait tout rentrer dans l’ordre du mĂȘme. Sans doute, l’amibe, lorsqu’elle prĂ©fĂšre ou exclut, donc lorsque, Ă  son niveau, – quantum in se est », dirait Spinoza –, elle juge, ne le fait pas, non seulement de la mĂȘme maniĂšre, mais de maniĂšre comparable, c’est-Ă -dire Ă©valuable en termes de plus ou de moins, avec celle qui est propre Ă  l’humain elle le fait de maniĂšre toute diffĂ©rente – Spinoza dirait selon les exigences de son conatus propre31 –, ce qui exclut une telle comparaison. Sur le plan de la vie, s’il y a partout puissance de juger, c’est-Ă -dire de discriminer l’utile du nuisible, il n’y a pas de forme universelle du jugement posĂ©e en rĂ©fĂ©rence Ă  des modĂšles idĂ©aux du bien et du mal qui, considĂ©rĂ©s pour eux-mĂȘmes, auraient une portĂ©e purement thĂ©orique et seraient susceptibles d’ĂȘtre rationalisĂ©s. La puissance de juger s’exerce selon des types irrĂ©ductibles les uns aux autres chez tous les vivants sans exception, – y compris les vĂ©gĂ©taux ; ces derniers, bien qu’ils ne disposent d’aucune mobilitĂ© ne sont pas tout Ă  fait privĂ©s de sensibilitĂ©, donc ont, mĂȘme si cette conscience n’est pas rĂ©flĂ©chie et ne s’accompagne pas de conscience de soi, conscience de leur environnement dont ils ressentent la prĂ©sence Ă  travers les sollicitations venues de lui qu’ils perçoivent parce qu’elles ont un sens pour eux 32. Cela signifie que ces vivants sont tous, chacun Ă  sa maniĂšre, sujets de jugement, en l’absence d’une forme-sujet gĂ©nĂ©rale, dĂ©finissable une fois pour toutes dans sa forme, Ă  laquelle ces diffĂ©rentes façons d’ĂȘtre sujet puissent ĂȘtre rapportĂ©es lorsque l’homme Ă©labore l’idĂ©e d’une forme-sujet dotĂ©e de conscience, c’est dans le contexte propre Ă  ses conditions d’existence qui impliquent la capacitĂ© de rĂ©flĂ©chir et de raisonner mise en Ɠuvre, cultivĂ©e et mĂ©morisĂ©e au cours de sa longue histoire par Homo sapiens. De cette conscience-lĂ , qui n’est cependant pas le type universel de la conscience mais reprĂ©sente les modalitĂ©s de celle-ci qui ont Ă©tĂ© informĂ©es par la culture et les pratiques mĂ©morielles qui lui sont propres, le vĂ©gĂ©tal et l’amibe sont manifestement privĂ©s mais cela ne les empĂȘche pas d’ĂȘtre eux aussi, dans l’ordre qui les dĂ©finit, sujets » Ă  l’intĂ©rieur de leurs mondes oĂč ils dĂ©tiennent, dans certaines limites, autant qu’il est en eux de le faire, la position de centres de jugement et d’initiative, capables comme tels de rĂ©agir Ă  des sollicitations venues de leur environnement. Il en rĂ©sulte que ĂȘtre sujet, pour un vivant quel qu’il soit, ce n’est pas prioritairement ĂȘtre sujet de raison, ce qui, Ă  la rigueur, mais c’est encore bien rĂ©ducteur, peut ĂȘtre avancĂ© Ă  propos de l’homme, mais c’est ĂȘtre sujet d’action, engagĂ© dans le monde d’une maniĂšre qui n’est pas uniquement reprĂ©sentationnelle et mentale mais aussi, et mĂȘme avant tout, comportementale et corporelle. Être sujet, ce qui n’est pas une condition donnĂ©e de maniĂšre statique, c’est donc avant tout se trouver dans un rapport d’interpĂ©nĂ©tration rĂ©ciproque avec son milieu d’existence, et adopter tant bien que mal, en prenant des risques, les allures de vie qui rĂ©pondent dynamiquement Ă  ce rapport ; en consĂ©quence, c’est dĂ©velopper, autant qu’on y est enclin par sa nature, le sens du possible. Devoir ĂȘtre, Ă  ce point de vue, ne se rĂ©sume pas au fait de se soumettre mĂ©caniquement Ă  des obligations extĂ©rieures, mais consiste Ă  ĂȘtre inclinĂ© par sa nature propre dans le sens d’un mouvement tendanciel dont le principe est immanent Ă  son sujet »33. L’identitĂ© d’un tel sujet, qui n’est pas rĂ©ductible Ă  un Ă©tat ou Ă  un acquis, est elle-mĂȘme tendancielle, c’est-Ă -dire qu’elle se constitue et se transforme au fur et Ă  mesure que se dĂ©roule le cycle de ses interfĂ©rences avec son milieu ; elle reste une virtualitĂ© qui demeure en permanence Ă  mettre en Ɠuvre34. À ce point de vue, il n’y a de milieu, comme il n’y a de sujet, que virtuels. Ce qui spĂ©cifie l’humain par rapport aux autres vivants, c’est que cette plasticitĂ© est portĂ©e par lui Ă  sa puissance maximale l’évolution naturelle et son histoire propre, qui, il ne faut pas l’oublier, est issue de cette Ă©volution et n’en est en fin de compte qu’une production dĂ©rivĂ©e, une branche », lui ont donnĂ© la capacitĂ© Ă  la fois de changer son milieu, par l’intermĂ©diaire de la technique, et, au besoin, de changer de milieu en s’exterritorialisant, capacitĂ© dont les autres espĂšces ne disposent pas, du moins Ă  ce degrĂ© et Ă  ce rythme. La reconfiguration de la notion de sujet appelĂ©e par la connaissance de la vie en Ă©largit donc l’extension en rĂ©trĂ©cissant sa comprĂ©hension ĂȘtre sujet, au point de vue propre Ă  cette connaissance, ce n’est rien de plus que prĂ©fĂ©rer et exclure, en Ă©tant exposĂ© Ă  la polaritĂ© de la vie et de ses valeurs. Est-il permis de parler Ă  ce propos de rĂ©volution copernicienne » ? Cette formule, on le sait, peut ĂȘtre prise dans des sens opposĂ©s. Dans son sens littĂ©ral, celui de Copernic, elle Ă©voque la procĂ©dure de dĂ©centration et d’objectivation qui dĂ©bouche Ă  terme sur la reprĂ©sentation de l’univers infini35. Dans la reprise paradoxale qui en a Ă©tĂ© effectuĂ©e par une certaine vulgate kantienne, elle indique, exactement Ă  l’inverse, une opĂ©ration de recentrement, qui replace le sujet au centre d’un monde alors, ce dernier cesse d’ĂȘtre le monde » en gĂ©nĂ©ral et devient, en particulier, son monde », celui qu’il recrĂ©e Ă  sa mesure en utilisant les moyens qui lui sont fournis par son organisation mentale, sa raison ». Lorsqu’il forge le concept d’Umwelt, UexkĂŒll explique que la biologie trouve accĂšs Ă  la doctrine de Kant qu’elle va scientifiquement exploiter dans la thĂ©orie des milieux en insistant sur le rĂŽle dĂ©cisif du sujet »36 ce rĂŽle dĂ©cisif concĂ©dĂ© au sujet revient Ă  le placer au centre d’un monde qui est, Ă  tous Ă©gards, le sien », et ne peut en consĂ©quence ĂȘtre reprĂ©sentĂ© comme un ordre de rĂ©alitĂ© universellement diffus et englobant, espace neutre indĂ©pendant de la position du sujet qui l’occupe ou qui l’habite. Lorsqu’il fait ce rapprochement, UexkĂŒll ne tient pas compte du fait que le sujet auquel il fait rĂ©fĂ©rence, qui se pose comme tel en rapport Ă  l’Umwelt qu’il reconfigure autour de lui en fonction de ses valeurs propres, n’est pas, comme l’envisage Kant, un sujet mental, soumis aux rĂšgles d’une raison pure, mais un sujet corporel, d’emblĂ©e engagĂ© dans le monde oĂč il agit, ce qui change tout ce sujet n’est en aucun cas un esprit tournĂ© prioritairement vers soi, un sujet qui se » pense, mais un ĂȘtre que son organisation corporelle, si elle peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e en elle-mĂȘme et pour elle-mĂȘme d’un point de vue anatomique, met, si on la considĂšre sur le plan de son fonctionnement, donc d’un point de vue physiologique, en rapport avec d’autres ĂȘtres naturels, vivants ou non vivants, Ă  l’égard desquels il est amenĂ© Ă  entretenir des rapports actifs de prĂ©fĂ©rence ou d’exclusion, en formulant les exigences propres Ă  un devoir-ĂȘtre » en cours d’effectuation. D’autre part, UexkĂŒll donne Ă  penser que, Ă  son point de vue, chaque monde conformĂ© en rapport avec un certain type de vivant et centrĂ© sur ses besoins spĂ©cifiques se prĂ©sente comme un empire autonome, enfermĂ© dans les limites de son ordre propre, tanquam imperium in imperio, serait-on tentĂ© de dire ; il faudrait alors traduire cette formule comme un empire dans l’empire », ce second empire, qui contient tous les autres, Ă©tant le monde en gĂ©nĂ©ral. En vue de dĂ©velopper cette idĂ©e, UexkĂŒll utilise une parabole , celle du chĂȘne et de ses habitants qui, selon ses propres termes, fournit le tĂ©moignage de ce qui se produit en grand dans le grand arbre de la nature »37. Pour les animaux qui s’y sont installĂ©s, – le renard qui a construit sa taniĂšre entre ses racines, la chouette qui a trouvĂ© au croisement de ses branches un poste d’observation commode, la fourmi qui fouille sous l’écorce de son tronc, etc. –, la mĂȘme rĂ©alitĂ© naturelle fait l’objet de dĂ©coupes diffĂ©rentes38. Le sujet-chĂȘne, sujet-monde qui porte et renferme tous les milieux », contient les empires particuliers que s’y taillent, chacun pour soi, les diffĂ©rents vivants qui l’habitent en ignorant son existence et sans rien savoir de sa nature il constitue pour eux l’équivalent de la chose en soi inconnaissable Ă  laquelle ils n’ont pas besoin de se rĂ©fĂ©rer pour exister et pour agir Ă  leur façon propre. L’univers tel que UexkĂŒll l’interprĂšte, est peuplĂ© de sujets, sujets intentionnels Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre rĂ©flĂ©chis et conscients des buts vers lesquels leurs comportements sont orientĂ©s ; ces sujets dĂ©ploient autour d’eux des mondes composĂ©s de signes que, s’ils ne les ont pas Ă  proprement parler produits, tirĂ©s absolument du nĂ©ant, ils ont sĂ©lectionnĂ©s. Kurt Goldstein a opposĂ© Ă  cette maniĂšre de voir l’objection suivante Ce ne serait possible que si chaque organisme individuel vivait solidement encastrĂ© dans un monde Ă  part, son environnement, et si pour lui le reste du monde n’existait pas. Mais dans ce cas le problĂšme de l’organisme serait simplement dĂ©placĂ© pour devenir le problĂšme de cet environnement dĂ©terminĂ©. En rĂ©alitĂ© la situation est toute diffĂ©rente. Chaque organisme vit dans un monde qui est loin de ne contenir que des excitations adĂ©quates Ă  cet organisme, il ne vit point dans son seul environnement », mais au contraire dans un monde oĂč toutes les autres excitations possibles se font sentir et agissent sur lui. C’est de cet environnement en quelque sorte nĂ©gatif qu’il doit venir Ă  bout. En rĂ©alitĂ© il se fait sans cesse un choix parmi les Ă©vĂ©nements du monde selon qu’ils appartiennent » Ă  l’organisme ou qu’ils n’appartiennent pas Ă  l’organisme. L’environnement d’un organisme n’est point quelque chose d’achevĂ©, mais il se forme sans cesse Ă  nouveau dans la mesure oĂč l’organisme vit et agit. »39 L’environnement d’un organisme n’est point quelque chose d’achevĂ© » il n’est pas donnĂ© tel quel avec l’organisme, au titre d’un prolongement ou d’une Ă©manation de sa constitution, mais il est le rĂ©sultat de son activitĂ© temporelle, au cours de laquelle l’organisme est en prise avec un monde dans lequel il lui faut Ă  chaque fois se refaire une place en tenant compte des circonstances du moment. Pour revenir au modĂšle du chĂȘne, celui-ci ne se prĂ©sente pas comme un immeuble Ă  plusieurs Ă©tages dont les diffĂ©rents occupants seraient confinĂ©s dans des appartements sĂ©parĂ©s, et n’auraient l’occasion de se rencontrer, fugitivement et sans suite, que lorsqu’ils en empruntent les parties communes ». Se retrouve ici l’ambiguĂŻtĂ© constitutive de la notion de milieu, qui ne fonctionne pas Ă  sens unique, mais est rĂ©versible, dans la mesure oĂč elle joue simultanĂ©ment du centre vers la pĂ©riphĂ©rie mais aussi de la pĂ©riphĂ©rie vers le centre, ce qui lui confĂšre instabilitĂ© et inachĂšvement. La relation du vivant Ă  son milieu ne prĂ©sente donc pas le caractĂšre d’un fait immuable, objectivement donnĂ©, mais elle est tendancielle, en cours d’effectuation, jamais achevĂ©e ; c’est pourquoi son allure est celle d’un devoir-ĂȘtre » dont la rĂ©alisation, soumise aux conditions de la prĂ©caritĂ©, n’est pas garantie. La fable du chĂȘne racontĂ©e par UexkĂŒll offre une certaine analogie avec la parabole du hĂ©risson que Canguilhem commente dans La connaissance de la vie 40. Dans la piĂšce de Giraudoux, Electre, Ă  laquelle cette parabole est empruntĂ©e, le mendiant qui la rapporte s’interroge sur le destin tragique qui amĂšne les hĂ©rissons Ă  traverser des routes oĂč ils se font Ă©craser. Or, selon Canguilhem, cette interrogation n’a aucun sens si on prend en compte les conditions dans lesquelles les hĂ©rissons sont amenĂ©s Ă  se dĂ©placer, non pas dans l’espace en gĂ©nĂ©ral, mais dans leur espace Ă  eux, tel qu’il se dĂ©finit en fonction des besoins et tendances des vivants qu’ils sont, c’est-Ă -dire prĂ©cisĂ©ment des hĂ©rissons Ă  l’intĂ©rieur de cet espace, il n’y a pas de routes, celles-ci Ă©tant tracĂ©es par les hommes Ă  travers leur espace spĂ©cifique d’hommes modifiĂ© par les moyens des techniques humaines. En consĂ©quence, il n’y a pas lieu de se demander quelle fatalitĂ© amĂšne les hĂ©rissons Ă  traverser les routes tracĂ©es par les hommes, car ces routes, qui figurent dans l’espace des hommes, n’ont pas place dans leur espace de hĂ©rissons, ce qui explique qu’ils s’y lancent Ă  l’aveugle. Mais il faut aller plus loin si les hĂ©rissons ne traversent pas les routes humaines, ces derniĂšres, elles, coupent, lacĂšrent, l’espace configurĂ© en fonction de leur nature propre de hĂ©rissons, ce qui a pour eux des consĂ©quences fatales qu’ils ne pouvaient prĂ©voir car elles Ă©taient privĂ©es pour eux de signification. Il serait donc inappropriĂ© de soutenir que les espaces vitaux des hommes, des hĂ©rissons, et de toutes les autres espĂšces de vivants, se cĂŽtoient sans jamais se rencontrer, Ă  la maniĂšre de locaux cloisonnĂ©s qui coexistent dans le cadre d’un immeuble collectif oĂč, Ă©tant rĂ©unis, ils restent cependant dĂ©finitivement indĂ©pendants les uns des autres bien au contraire, la rĂ©alitĂ© effective des mouvements vitaux accomplis Ă  l’intĂ©rieur de ces diffĂ©rents espaces est affectĂ©e par les diverses formes que sont exposĂ©s Ă  prendre leurs croisements, Ă  l’intĂ©rieur d’un monde oĂč, en permanence, ils interfĂšrent ou risquent d’interfĂ©rer. Se retrouve ici la conflictualitĂ© immanente Ă  la notion de milieu, qui fluctue entre deux pĂŽles extrĂȘmes, l’un objectif, neutre et indiffĂ©renciĂ©, l’autre subjectif, qualifiĂ© et valorisĂ©. Ce qu’on appelle espace est pris entre ces deux maniĂšres d’exister selon l’une, il dĂ©ploie ses rĂ©gularitĂ©s sur un plan gĂ©nĂ©ral, uniformĂ©ment, nĂ©cessairement, sans privilĂ©gier aucun type d’ĂȘtre ou de comportement ; selon l’autre, il revĂȘt des allures spĂ©ciales, diversifiĂ©es, orientĂ©es en fonction des besoins des sujets qui en font leur champ d’action. D’un cĂŽtĂ©, il obĂ©it Ă  la logique de l’ĂȘtre, en vertu de laquelle il n’est qu’un contenant pour des mi-lieux ; de l’autre cĂŽtĂ©, il est mobilisĂ©, entraĂźnĂ© par l’élan du devoir-ĂȘtre qui le diversifie en mi-lieux incommensurables entre eux. Dans une telle situation, vivre, persĂ©vĂ©rer dans son ĂȘtre, c’est-Ă -dire avoir Ă  ĂȘtre, en Ă©tant portĂ© par la puissance du virtuel et non en se soumettant aveuglĂ©ment Ă  des rĂšgles, n’est possible qu’en relation Ă  la fois avec un mi-lieu et avec un mi-lieu. Il en rĂ©sulte que ce n’est pas un Ă©tat garanti, mais une expĂ©rience paradoxale, contrastĂ©e, hasardeuse, pleine de risques, incertaine, tendancielle, Ă  la fois centrĂ©e et dĂ©centrĂ©e, tiraillĂ©e entre les deux pĂŽles de l’objectif et du subjectif, dont l’opposition n’est pas susceptible d’ĂȘtre rĂ©solue. Le principal point d’inflexion du parcours suivi par Canguilhem a Ă©tĂ© la dĂ©cision d’entreprendre des Ă©tudes de mĂ©decine, dĂ©cision philosophique motivĂ©e par le dĂ©sir de donner un contenu concret, puisĂ© Ă  mĂȘme le dĂ©roulement des processus vitaux, Ă  la rĂ©flexion au sujet du devoir-ĂȘtre. [↩]Cf. la reproduction de la confĂ©rence Le cerveau et la pensĂ©e », placĂ©e en tĂȘte du recueil des Actes du Colloque de 1990, Georges Canguilhem, philosophe, historien des sciences, Paris, Albin Michel, 1993, p. 29. [↩]La maxime comtienne Connaissance d’oĂč prĂ©voyance, prĂ©voyance d’oĂč action », qui Ă©tablit, entre la science et la technique, une relation directe d’application, prĂ©figure Ă  sa maniĂšre la rationalisation du travail humain mise en oeuvre par le taylorisme, qui fait de l’ouvrier un organe de la machine, comme le montrent les recherches de G. Friedmann auxquelles Canguilhem a fait Ă  maintes reprises rĂ©fĂ©rence. Cette mĂ©canisation tendancielle du travail, qui repose sur la procĂ©dure de normalisation par laquelle sont engendrĂ©s des sujets productifs calibrĂ©s en vue d’accomplir le type de tĂąches auxquelles ils sont vouĂ©s, constitue une forme de subordination Ă  la loi de l’ĂȘtre, Ă  la loi des choses ; celle-ci suscite inĂ©vitablement des rĂ©sistances, donc l’appel Ă  un devoir-ĂȘtre qui, Ă  terme, retourne le rapport de la connaissance et de l’action. Marx pensait Ă  quelque chose de ce genre lorsqu’il avançait, en vue de rĂ©duire les prĂ©tentions autotĂ©liques de la raison, la thĂšse du primat de la pratique. [↩]Avec une ironie cinglante pleine de sous-entendus, la Note sur la situation faite en France Ă  la philosophie biologique » Ă©pingle au passage le tropisme spiritualiste propre Ă  la philosophie de tradition française, prompt Ă  engendrer l’habitude de ne plus cultiver le jardin, en laissant ce soin Ă  la Providence » Oeuvres ComplĂštes, t. IV, Paris, Vrin, 2015, p. 319. [↩]Kant, Essai pour introduire en philosophie le concept de grandeur nĂ©gative, trad. fr., Paris, Vrin, 1949, p. 76. Cette traduction, prĂ©cĂ©dĂ©e d’une longue introduction, avait constituĂ© un travail de maĂźtrise rĂ©alisĂ© Ă  Strasbourg par R. Kempf sous la direction de Canguilhem, qui en a lui-mĂȘme prĂ©facĂ© l’édition. [↩]Dans son Esquisse d’une philosophie des valeurs 1939, E. DuprĂ©el, que Canguilhem avait lu de prĂšs, dĂ©clare Un concept n’est possible que par un refoulement dans l’indĂ©terminĂ© de tout ce qu’on ne fait pas entrer dans sa comprĂ©hension ; il appelle le correctif de son anti-concept. Ce mot ne veut pas dire son contraire, mais son complĂ©ment » p. 73, et Le philosophe est le penseur qui ne fait jamais abstraction des complĂ©mentaires » p. 289. [↩] La contradiction est une opposition absolue, l’opposĂ© y est la nĂ©gation, sans rĂ©serves, du posĂ©. Or, si cela est, l’un des deux termes seul peut ĂȘtre rĂ©el, puisque l’autre est tout nĂ©gatif. Mais le cas des contraires est tout dissemblable. Ils ne se nient pas entiĂšrement l’un l’autre et cela demande qu’ils aient de la rĂ©alitĂ© l’un comme l’autre. La contrariĂ©tĂ© en un mot, est une opposition rĂ©elle. » O. Hamelin, Essai sur les Ă©lĂ©ments principaux de la reprĂ©sentation, Paris, PUF, 1952, p. 11 [↩]Rickert, ThĂšses pour le systĂšme de la philosophie » 1932, trad. fr. in Le systĂšme des valeurs et autres articles, Paris, Vrin, 2007, p. 266. Il est Ă  noter que, lorsque Rickert assigne pour but Ă  la philosophie de progresser jusqu’au tout », il veut dire qu’elle doit s’orienter dans le sens de cette progression, sans toutefois que cela signifie que celle-ci puisse parvenir Ă  son terme. [↩]G. Canguilhem, Le normal et le pathologique, Paris, PUF/Quadrige, 1988, p. 135. [↩]Id., p. 176. [↩]Dans le Cours de philosophie gĂ©nĂ©rale et de logique professĂ© en 1942-1943, donc au moment oĂč Canguilhem compose son Essai sur quelques problĂšmes concernant le normal et le pathologique, l’utopie est ainsi caractĂ©risĂ©e L’utopie, c’est le nom que prend en matiĂšre sociale le caractĂšre d’exigence opposĂ© Ă  l’existence, de tout jugement normatif » ƒuvres complĂštes, t. IV, Paris, Vrin, 2015, note, p. 108. L’esprit d’utopie, c’est cette incitation Ă  aller au-delĂ  de ses manifestations donnĂ©es qui, de l’intĂ©rieur, creuse le rĂ©el elle l’engage sur la voie du devoir-ĂȘtre et de ses exigences » qui lui prescrivent d’ĂȘtre plus que ce qu’il est, de se dĂ©passer. Cette maniĂšre d’apprĂ©hender l’utopie n’est pas Ă©loignĂ©e de celle dĂ©veloppĂ©e par Ernst Bloch Ă  partir de l’opposition entre possible rĂ©el » et possible objectif » qui, comme Bergson l’avait fait dans sa confĂ©rence sur Le possible et le rĂ©el », procĂšde du renversement de la relation du possible au rĂ©el le possible ne se situe pas en attente d’un rĂ©el dont il constituerait la promesse ou l’annonce anticipĂ©e, mais il reprĂ©sente d’emblĂ©e la face nĂ©gative de ce rĂ©el dont il est la projection en acte ; il ne se situe pas en arriĂšre du rĂ©el, comme un rĂ©el en puissance, mais devant lui, au titre d’une exigence qui pousse activement dans le sens de sa transformation, de sa transformation rĂ©volutionnaire dirait-on dans le langage du marxisme. Etwas fehlt », refrain d’une des chansons du Mahagonny de Brecht que Bloch a Ă©rigĂ© en maxime de l’esprit d’utopie, exprime la puissance de transformation dont est porteur en lui-mĂȘme, en tant que schĂšme pratique, le nĂ©gatif. [↩]Dans le mĂȘme sens, F. Deligny place en alternative aux convictions surplombantes du croire » les expĂ©riences hasardĂ©es par le craindre », qui assume les incertitudes du monde tel qu’il est ou tel qu’il paraĂźt ĂȘtre dans lequel il essaie tant bien que mal de s’orienter. [↩]L’appel aux valeurs, loin d’ĂȘtre portĂ© par un esprit consensuel de rĂ©conciliation, remplit avant tout une fonction corrosive de contestation. C’est dans ce sens que Canguilhem a interprĂ©tĂ© la leçon de rĂ©sistance » qu’il avait reçue de CavaillĂšs. [↩]Dans son Commentaire au troisiĂšme chapitre de L’Evolution crĂ©atrice, Canguilhem Ă©crit Le schĂšme, c’est moins une forme qu’une indication, une direction de forme » ƒuvres ComplĂštes, t. IV, Paris, Vrin, 2015, p. 158, ce qui souligne le caractĂšre essentiellement dynamique de cette notion. Selon Kant, le principe du schĂ©matisme, fonction de l’imagination qui est en derniĂšre instance le moteur de l’activitĂ© de la raison, est logĂ© dans les replis secrets de l’ñme humaine au titre d’une exigence, et mĂȘme pourrait-on dire d’une exigence vitale, il en reprĂ©sente, au sens propre du terme, la tendance la plus profonde. C’est ce qui a conduit Heidegger, dans son livre sur Kant et le problĂšme de la mĂ©taphysique, Ă  rĂ©interprĂ©ter l’ensemble de la dĂ©marche critique Ă  la lumiĂšre de ce schĂ©matisme », qui place l’imagination au cƓur du fonctionnement de la raison, proposition renversante, d’oĂč ressort une image complĂštement nouvelle du kantisme, qui a choquĂ© au moment oĂč elle a Ă©tĂ© lancĂ©e voir Ă  ce sujet le dĂ©bat que, Ă  l’occasion du colloque de Davos, Heidegger a eu en 1929, annĂ©e oĂč son livre a Ă©tĂ© publiĂ©, avec Cassirer, reprĂ©sentant d’un kantisme plus classique, plus rationnel » ; en raison de l’effet de stimulation qu’elle produit, cette relecture dĂ©capante, iconoclaste, mĂ©rite d’ĂȘtre prise en compte. [↩] Le normal et le pathologique », in La connaissance de la vie, Paris, Vrin, 1966, p. 167. [↩]En suivant l’histoire de cette notion, on rencontre des occurrences les plus contradictoires de celle-ci on parle de milieu intĂ©rieur » ou de milieu extĂ©rieur », de milieu propre » centrĂ© comme tel sur une position de sujet ou de milieu naturel » n’impliquant aucune position de sujet, etc. Etonnamment, cette notion navigue au milieu » de ces occurrences entre lesquelles elle balance sans fin, Ă  l’interface du naturel et de l’artificiel. [↩] Nous estimons que les questions authentiquement importantes sont des questions mal posĂ©es [
] Une question ne peut, en tant que telle, ĂȘtre que mal posĂ©e. » La formation du concept de rĂ©flexe aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles, Paris, PUF, 1955, p. 123 C’est prĂ©cisĂ©ment parce qu’elle se dĂ©robe Ă  une analyse rationnelle directe que la notion de milieu est fĂ©conde, et oblige Ă  remettre en question un certain nombre d’idĂ©es reçues. [↩]Dans le contexte propre Ă  ce dĂ©bat, le mot milieu » vĂ©hicule des significations complĂštement diffĂ©rentes pour Lamarck, il dĂ©signe la Nature grandiose et tragique des romantiques ; pour Darwin, c’est l’ensemble limitĂ© des concurrents et agresseurs potentiels qui se disputent un mĂȘme espace vital. On trouve lĂ  un exemple de la polysĂ©mie du concept de milieu, qui est le moteur essentiel de son fonctionnement. [↩] Le vivant et son milieu », La connaissance de la vie, p. 15. [↩]Ces deux façons possibles de graphier le mot milieu » sont indiquĂ©es par Canguilhem au bas de la p. 150 de La connaissance de la vie. [↩] Lorsque, tout Ă  la fin de la partie complĂ©mentaire du Normal et le pathologique, Canguilhem introduit la thĂ©matique proprement renversante de la maladie de l’homme normal » Le normal et le pathologique, Paris, PUF/Quadrige, 1966, p. 216, il inscrit sa dĂ©marche dans une telle ambiance d’inquiĂ©tude ; celle-ci est installĂ©e dĂšs lors que sont dissipĂ©es les certitudes dont, sĂ»r de son identitĂ©, se gargarise un sujet de survol qui s’est placĂ© dans une position surplombante par rapport aux alĂ©as de son milieu d’existence, ce qui lui permet de confĂ©rer Ă  sa normalitĂ© » une dimension ontologique, donc d’en faire un Ă©tat stable auquel il attribue illusoirement la capacitĂ© de se perpĂ©tuer Ă  l’identique. L’homme dit sain n’est donc pas sain. Sa santĂ© est un Ă©quilibre qu’il rachĂšte sur des ruptures inchoatives. La menace de la maladie est l’un des constituants de la santĂ© » id., p. 217. Dans l’épilogue elliptique qu’il a placĂ© en conclusion du Normal et le Pathologique, Canguilhem laisse entendre que l’appel Ă  ĂȘtre normatif » en faisant craquer les normes » qu’il avait lancĂ© dans son Essai de 1943, appel qui, pris Ă  la lettre, tendait Ă  minorer la menace de la maladie et Ă  faire l’impasse sur le fait qu’elle est l’un des constituants de la santĂ© », Ă©tait le fait d’un homme jeune que la tĂ©mĂ©ritĂ© inclinait Ă  dĂ©velopper une conception impĂ©rative, hĂ©roĂŻque, du devoir-ĂȘtre. Vingt ans aprĂšs », le mĂȘme Canguilhem invite son lecteur Ă  mesurer combien, avec le temps, nous avons, conformĂ©ment Ă  notre discours sur les normes, rĂ©duit les nĂŽtres » id., p. 218 cette formule contournĂ©e suggĂšre qu’il est passĂ© Ă  une conception plus mesurĂ©e, et en quelque sorte plus rĂ©aliste, du devoir-ĂȘtre, modĂ©rĂ©e par la considĂ©ration des ruptures inchoatives » qui accompagnent inĂ©vitablement sa mise en Ɠuvre. Devoir-ĂȘtre signifie alors, non plus imposer par la seule force de sa volontĂ© de nouvelles normes d’existence allant dans le sens de son Ă©largissement, mais avoir pĂ©niblement Ă  ĂȘtre, Ă  continuer Ă  ĂȘtre, Ă  persĂ©vĂ©rer dans son ĂȘtre, en tenant compte des multiples risques de perturbation provoquĂ©s les erreurs de la vie et les incertitudes du milieu, qui, les unes comme les autres, ne peuvent ĂȘtre ni ignorĂ©es ni contrĂ©es frontalement. En forçant le trait, on pourrait dire qu’il est alors passĂ© d’une conception morale du devoir-ĂȘtre qui en renvoie la responsabilitĂ© Ă  un sujet que sa vigueur momentanĂ©e incite Ă  ĂȘtre sĂ»r de soi, ce qui tend Ă  l’installer dans une position de survol, Ă  une conception au sens propre du terme biologique, pratiquĂ©e dans un esprit de surveillance, attentive aux alĂ©as qui, qu’il s’en rende compte ou non, remettent en question la stabilitĂ© dont profite provisoirement, de façon inĂ©vitablement prĂ©caire, l’homme en bonne santĂ©. [↩]ConsidĂ©rer les vivants en les sĂ©parant de leurs milieux d’existence, c’est procĂ©der, en thĂ©orie, Ă  une opĂ©ration d’abstraction qui, automatiquement, ĂŽte Ă  ces vivants leur capacitĂ© d’agir, donc en fin de compte leur puissance d’exister de tels vivants, privĂ©s de besoins et de tendances, ne sont plus que des choses mortes. C’est en raison de l’importance qu’il attribuait Ă  cette question que Canguilhem, lorsqu’il a dirigĂ© une collection de textes philosophique Ă  l’usage de l’enseignement, s’est rĂ©servĂ© la responsabilitĂ© de composer l’ouvrage intitulĂ© Besoins et tendances ». [↩]Selon Foucault, c’est cette approche que privilĂ©gient les techniques sĂ©curitaires mises en Ɠuvre par le biopouvoir La sĂ©curitĂ© va essayer d’amĂ©nager un milieu en fonction d’évĂ©nements ou de sĂ©ries d’évĂ©nements ou d’élĂ©ments possibles, sĂ©ries qu’il va falloir rĂ©gulariser dans un cadre multivalent et transformable. L’espace propre Ă  la sĂ©curitĂ© renvoie donc Ă  une sĂ©rie d’évĂ©nements possibles, il renvoie au temporel et Ă  l’alĂ©atoire, un temporel et un alĂ©atoire qu’il va falloir inscrire dans un espace donnĂ©. L’espace dans lequel se dĂ©roulent des sĂ©ries d’élĂ©ments alĂ©atoires, c’est, je crois, Ă  peu prĂšs cela que l’on appelle le milieu [
] Le milieu, qu’est-ce que c’est ? C’est ce qui est nĂ©cessaire pour rendre compte de l’action Ă  distance d’un corps sur un autre. C’est donc bien le support et l’élĂ©ment de circulation d’une action. C’est donc le problĂšme circulation et causalitĂ© qui est en question dans cette notion de milieu » SĂ©curitĂ©, territoire, population, leçon du 11 janvier 1978, Paris, Gallimard/Seuil, 2004, p. 22. Le milieu, – l’analyse de Foucault se rapporte au cas prĂ©cis du milieu urbain, Ă  l’époque oĂč la croissance Ă©conomique est liĂ©e au dĂ©veloppement des villes –, c’est une portion d’espace offerte Ă  des perspectives collectives de dĂ©placement qui ne sont pas autorĂ©gulĂ©es, et en consĂ©quence se prĂȘtent Ă  ĂȘtre contrĂŽlĂ©es sĂ©curiser ce genre de milieu, oĂč la circulation est devenue un enjeu de gouvernement, c’est anticiper les mouvements qui peuvent s’y produire ; c’est intervenir de maniĂšre prĂ©visionnelle, non sur du rĂ©el mais sur du possible. [↩]C’est Lucien Febvre qui, dans son livre La terre et l’évolution humaine, Introduction gĂ©ographique Ă  l’histoire 1922, la mĂȘme annĂ©e oĂč ont Ă©tĂ© publiĂ©s Ă  titre posthume les Principes de gĂ©ographie humaine de Vidal de la Blache Ă©ditĂ©s par de Martonne, a utilisĂ© le concept de possibilisme » pour rendre compte du tournant opĂ©rĂ© par Vidal de La Blache, en opposition aux gĂ©ographes allemands de l’école de Ratzel qui prĂ©sentait les populations comme Ă©tant rivĂ©es et soumises au sol qu’elles occupent dont elles subissent le dĂ©terminisme causal. Au point de vue de la nouvelle conception du milieu sur laquelle repose une gĂ©ographie mĂ©ritant Ă  plein l’appellation d’ humaine », celui-ci ne consiste pas en un cadre physique, rigidement structurĂ© par sa morphologie qui imposerait ses lois matĂ©rielles Ă  ses occupants, mais il est un espace de possibles, Ă  explorer et Ă  exploiter Ă  l’essai, pour voir en quelque sorte, en se guidant, non sur les lois d’une ontologie, mais sur les valeurs d’une axiologie ; un tel espace s’offre Ă  ĂȘtre, au sens fort du terme, habitĂ© selon les besoins qui dĂ©finissent dynamiquement un mode de vie », ensemble de schĂšmes d’existence virtuels qui se dĂ©finissent peu Ă  peu au fur et Ă  mesure de leur mise en Ɠuvre, en interaction avec le milieu dans lequel ils prennent forme. Une telle conception du milieu, ouverte et non fermĂ©e, se trouvait dĂ©jĂ  en germe chez Darwin, en rapport, non seulement avec les besoins humains tels qu’ils se dĂ©veloppent sous un horizon de culture, mais avec les tendances d’espĂšce propres au vivant en gĂ©nĂ©ral Les possibilitĂ©s d’adaptation d’une espĂšce Ă  son milieu peuvent n’ĂȘtre pas uniques menacĂ©e dans le cadre d’un certain genre de vie, elle retrouve parfois une place si elle rĂ©ussit Ă  modifier son style d’existence. Les places vacantes » en un lieu donnĂ©, selon la terminologie de Darwin, sont moins des espaces libres que des systĂšmes de vie habitat, mode d’alimentation, d’attaque, de protection qui y sont thĂ©oriquement possibles et non encore pratiquĂ©s » Du dĂ©veloppement Ă  l’évolution au XIXe siĂšcle, ThalĂšs, Travaux de l’Institut d’Histoire des sciences et des techniques de l’annĂ©e 1960, Paris, PUF/Quadrige, 1962, p. 32. La notion de style d’existence », ici indiquĂ©e au passage, renvoie au mĂȘme contenu que celle de mode de vie » utilisĂ©e par les gĂ©ographes elle suggĂšre que vivre en relation avec un milieu, pour l’homme comme pour tout vivant, ne consiste pas Ă  se soumettre Ă  des rĂšgles fixĂ©es une fois pour toutes par la nature du milieu environnant ; mais c’est esquisser, en prenant des risques, et dans une perspective d’inachĂšvement, une dĂ©marche inventive qui configure ses buts Ă  mĂȘme le mouvement par lequel, sans garanties, elle se dirige vers eux suivant un certain style ». Le Kranksein thĂ©orisĂ© par Goldstein est, Ă  sa maniĂšre, un style d’existence », qui s’offre Ă  ĂȘtre pratiquĂ© dans une situation limite de crise. [↩]Cf., Ă  ce sujet, Milieu et normes de l’homme au travail », compte-rendu publiĂ© en 1947 dans les Cahiers internationaux de sociologie du livre de G. Friedmann, ProblĂšmes humains du machinisme industriel Canguilhem, ƒuvres complĂštes, t. IV, Paris, Vrin, 2015, p. 291 et sq.. [↩]C’est dans ces deux ouvrages, postĂ©rieurs d’une dizaine d’annĂ©es Ă  l’Evolution des espĂšces, qu’ont Ă©tĂ© posĂ©s les premiers jalons de ce qui s’est appelĂ© plus tard le nĂ©o-darwinisme ». [↩]Cette formule est utilisĂ©e par Tim Ingold dans Marcher avec les dragons, trad. fr., Bruxelles, Zones sensibles, 2014, p. 100. [↩] L’homme et l’animal du point de vue psychologique selon Charles Darwin », in Etudes d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1968, p. 122. [↩]Le normal et le pathologique, p. 84. [↩]Cette note inĂ©dite est citĂ©e par C. Limoges dans son Introduction Ă  l’édition du t. IV des ƒuvres complĂštes de Canguilhem, Paris, Vrin, 2015, p. 35. [↩] Les affects des animaux que l’on dit privĂ©s de raison quae irrationalia dicuntur [
] diffĂšrent des affects des hommes exactement autant que leur nature diffĂšre de la nature humaine. Le cheval comme l’homme est entraĂźnĂ© par le dĂ©sir libido de procrĂ©er; mais, dans un cas, il s’agit d’un dĂ©sir chevalin, et, dans l’autre, d’un dĂ©sir humain. De mĂȘme aussi les dĂ©sirs et appĂ©tits des insectes, des poissons, des oiseaux, doivent diffĂ©rer les uns des autres alii atque alii esse debent » Ethique III, scolie de la proposition 57. Autrement dit, le dĂ©sir, expression directe du conatus propre Ă  chaque ĂȘtre, Ă©chappe Ă  une mesure commune conduisant Ă  l’évaluer en termes de plus ou de moins en rĂ©fĂ©rence Ă  la nature idĂ©ale des buts qu’il poursuit. Selon Spinoza, il faut apprĂ©hender les dĂ©sirs en les ramenant Ă  leur source, qui est la tendance Ă  persĂ©vĂ©rer dans leur ĂȘtre de leurs porteurs, autrement dit la puissance d’agir spĂ©cifique de ceux-ci, et non d’aprĂšs les buts auxquels ils sont rapportĂ©s de façon le plus souvent imaginaire si on juge bonnes certaines choses de prĂ©fĂ©rence Ă  d’autres, c’est parce qu’on les dĂ©sire comme on est incitĂ© Ă  le faire par sa constitution propre, Ă©ventuellement modulĂ©e par les alĂ©as d’une histoire personnelle tout vivant ayant son histoire Ă  lui, et non l’inverse. Le dĂ©sir de procrĂ©er du cheval s’explique par sa nature d’espĂšce, qui n’a rien Ă  voir avec celle dans laquelle le dĂ©sir de procrĂ©er de l’homme prend sa source. [↩]Cela autorise-t-il Ă  avancer que les plantes, elles aussi, pensent » ? Oui, si on renonce au prĂ©jugĂ© anthropomorphique en dĂ©veloppant une conception de la pensĂ©e qui ne prend pas pour modĂšle les formes spĂ©cifiques selon lesquelles celle-ci est pratiquĂ©e par les humains, Ă  la suite d’une longue histoire dont rien ne permet d’ailleurs d’affirmer qu’elle ait atteint son terme. Penser, on n’a que trop tendance Ă  l’oublier, est en premier lieu une activitĂ© ; davantage encore, c’est une activitĂ© qui s’effectue en contexte, et en rĂ©ponse aux sollicitations transmises par ce contexte ramenĂ©e Ă  ses modalitĂ©s Ă©lĂ©mentaires, qui ont leurs racines dans la sensibilitĂ©, – la sensibilitĂ© n’étant rien d’autre que la conscience qu’a l’ĂȘtre qui en dispose du contexte dans lequel il vit –, cette activitĂ© consiste Ă  opĂ©rer en pratique des choix, sans avoir besoin pour cela de les thĂ©oriser Ă  distance. Penser, c’est donc en tout premier lieu, avant rĂ©flexion, juger, s’orienter, quitte Ă  subir les consĂ©quences de choix qui peuvent ĂȘtre, c’est mĂȘme souvent le cas, malheureux, inappropriĂ©s. Les idĂ©es » qui accompagnent ces manifestations spontanĂ©es, primordiales, de la pensĂ©e par lesquelles elle se ramĂšne au fait de prĂ©fĂ©rer et/ou d’exclure, risquent d’ĂȘtre, dirait Spinoza, fort inadĂ©quates, ce qui ne les empĂȘche pas, Ă  dĂ©faut de pouvoir s’afficher et se faire reconnaĂźtre comme des idĂ©es vraies, d’ĂȘtre de vraies idĂ©es. Il est manifeste que ni la plante ni l’amibe n’ont souci de la vĂ©ritĂ© les gestes Ă©lĂ©mentaires qu’elles accomplissent en Ă©tant guidĂ©es par leur seule sensibilitĂ© tĂ©moignent en elles de l’intervention d’une pensĂ©e revĂȘtant l’allure de ce qu’on peut appeler un sens pratique », c’est-Ă -dire un savoir-faire non reprĂ©sentationnel, dont les sujets » sont eux-mĂȘmes des sujets pratiques ; ces sujet disposent comme tels d’un certain sens du possible, parce qu’ils sont engagĂ©s dans des schĂšmes d’action qu’ils mettent en oeuvre Ă  leur niveau selon un certain style qui leur est propre. À ce niveau, qui est Ă  la fois le plus Ă©lĂ©mentaire et le plus gĂ©nĂ©ral, penser, activitĂ© concrĂšte qui s’exerce nĂ©cessairement en situation, n’est rien d’autre que s’orienter dans un monde non dĂ©jĂ  tout donnĂ©, mais reconfigurĂ© Ă  mesure que le sujet qui s’y oriente y rĂ©alise en acte les besoins et les tendances qui spĂ©cifient sa position et sa posture de sujet. C’est cette approche des processus de la cognition que Francisco J. Varela esquisse en se servant du concept d’énactivité» Le monde n’est pas quelque chose qui nous est donnĂ© c’est une chose Ă  laquelle nous prenons part en fonction de notre maniĂšre de bouger, de toucher, de respirer et de manger [
] Dans la dĂ©marche Ă©nactive, la rĂ©alitĂ© n’est pas un donnĂ© elle dĂ©pend du sujet percevant, non pas parce qu’il le construit » Ă  son grĂ©, mais parce que ce qui compte Ă  titre de monde pertinent est insĂ©parable de ce qui forme la structure du sujet percevant. » Quel savoir pour l’éthique ? action, sagesse et cognition, trad. fr., Paris, La DĂ©couverte, 1996, p. 24 et p. 30. [↩]Selon Francisco J . Varela, ce sujet Ă©nactif», indissociable de sa situation et de son action, n’est pas un sujet rĂ©flexif, sujet dĂ©doublĂ© dĂ©tenant une position surplombante par rapport Ă  l’ensemble de ses activitĂ©s, activitĂ©s cognitives comprises, qu’il contemple comme de l’extĂ©rieur son identitĂ© de sujet n’est jamais acquise dĂ©finitivement, mais elle est le rĂ©sultat d’un travail incessant qui, au fur et Ă  mesure de son dĂ©roulement, la compose, la dĂ©compose et la recompose ; c’est une identitĂ© virtuelle, qui ne s’accomplit qu’à travers ses effets et ses Ɠuvres. [↩]C’est ce que veut dire Spinoza lorsqu’il utilise la formule persĂ©vĂ©rer dans son ĂȘtre », qui indique, non la conservation Ă  l’identique d’un Ă©tat donnĂ© qu’il n’y aurait qu’à perpĂ©tuer, mais le processus par lequel le sujet » concernĂ© est amenĂ© en permanence Ă  remettre en question et Ă  renĂ©gocier, sans garantie aucune, ses conditions d’existence. [↩]À l’examen, les choses se rĂ©vĂšlent toutefois plus compliquĂ©es le passage du gĂ©ocentrisme Ă  l’hĂ©liocentrisme, se ramĂšne aprĂšs tout au dĂ©placement d’un centrisme » Ă  un autre. A. Comte en tirera argument pour revaloriser, dans un esprit de totalisation, le concept de monde, – un cosmos identifiĂ© au systĂšme solaire tel qu’il est expliquĂ©, aprĂšs Newton, par Laplace – au dĂ©triment de celui d’univers. La considĂ©ration du systĂšme solaire dont nous faisons partie nous offre Ă©videmment un sujet d’étude bien circonscrit, susceptible d’une observation complĂšte, et qui devrait nous conduire aux connaissances les plus satisfaisantes. Au contraire la pensĂ©e de ce que nous appelons l’univers est par elle-mĂȘme indĂ©finie, en sorte que, si Ă©tendues qu’on veuille supposer dans l’avenir nos connaissances rĂ©elles en ce genre, nous ne saurions jamais nous Ă©lever Ă  la considĂ©ration de l’ensemble des astres. » Cours de philosophie positive, 19e leçon, Oeuvres, t. II, Paris, Anthropos, 1968, p. 7 Le monde, dans ce sens, c’est l’ensemble des phĂ©nomĂšnes auxquels nous avons accĂšs, l’univers Ă©tant renvoyĂ© au statut de chose en soi inconnaissable, proprement inhumaine, ou du moins sans intĂ©rĂȘt pour l’homme. Cependant, dans le Cours de philosophie positive, Comte soutient, thĂšse dont LittrĂ© fera l’un des dogmes du positivisme tel qu’il le comprend, que, leur relation d’appartenance rĂ©ciproque Ă©tant Ă©tablie, il faut raisonner du monde Ă  l’homme et non l’inverse Le monde d’abord, l’homme ensuite telle est, dans l’ordre purement spĂ©culatif, la marche positive de notre intelligence, quoique, dans l’ordre directement actif, elle doive ĂȘtre nĂ©cessairement inverse. Car les lois du monde dominent celles de l’homme et n’en sont pas modifiĂ©es. » 40e leçon, Oeuvres, t. III, p. 315. Cette position sera remise en cause durant la seconde carriĂšre philosophique » de Comte, qui fait passer au premier plan la synthĂšse subjective ». [↩]J. von UexkĂŒll, Mondes animaux et monde humain, Paris, Gonthier, 1956, p. 26. [↩]J. von UexkĂŒll, Mondes animaux et monde humain, Paris, Gonthier, 1956, p. 80. [↩] ConformĂ©ment aux diverses connotations d’activitĂ©, les images perceptives des nombreux habitants du chĂȘne seront structurĂ©es de maniĂšre diffĂ©rente. Chaque milieu dĂ©coupera une certaine rĂ©gion du chĂȘne, dont les particularitĂ©s seront propres Ă  devenir porteuses aussi bien des caractĂšres perceptifs que des caractĂšres actifs de leurs cercles fonctionnels [
] Dans les cent milieux qu’il offre Ă  ses habitants, le chĂȘne joue de multiples rĂŽles, chaque fois avec une autre de ses parties. La mĂȘme partie est tantĂŽt grande, tantĂŽt petite. Son bois, tantĂŽt dur, tantĂŽt mou, sert Ă  la protection aussi bien qu’à l’agression. Si l’on voulait rassembler tous les caractĂšres contradictoires que prĂ©sente le chĂȘne en tant qu’objet, on n’aboutirait qu’à un chaos. Et pourtant ces caractĂšres ne font partie que d’un seul sujet, en lui-mĂȘme solidement structurĂ©, qui porte et renferme tous les milieux – sans ĂȘtre reconnu ni jamais pouvoir l’ĂȘtre par tous les sujets de ces milieux. » id., p. 79-80 [↩]Kurt Goldstein, Der Aufbau des Organismus, La Haye, Martin Nijhoff, 1934, trad. fr., La structure de l’organisme, Paris, Gallimard, 1951, p. 69-70. [↩] L’expĂ©rimentation en biologie animale », La connaissance de la vie, Paris, Vrin, 1965, p. 39. [↩] reconnaissance la dĂ©monstration de sa virilitĂ©, notamment au moyen de la performance sportive, devient alors un enjeu essentiel d’affirmation de soi. DĂšs lors, le sport constitue un point de cristallisation des dynamiques de diffĂ©renciation fille-garçon, ce qui conduit au renforcement des inĂ©galitĂ©s sexuĂ©es vis-Ă -vis des
L'autoritĂ© parentale, c'est l'Ă©quilibre entre 'donner des rĂšgles' et 'ĂȘtre Ă  l'Ă©coute des besoins de l'enfant', explique Nathalie IsorĂ©, la directrice de l'Ecole des parents de Paris © Getty Images Ils transforment la vie de famille en enfer. De 4 Ă  18 ans, ce sont les nouveaux tortionnaires domestiques. Une honte pour beaucoup de parents, dĂ©sespĂ©rĂ©s et culpabilisĂ©s. aujourd'hui, la parole se libĂšre. les mĂšres - et quelques pĂšres - se rĂ©unissent pour en discuter. Depuis un an, il existe mĂȘme une consultation pour parents en dĂ©tresse au chu de Montpellier. plongĂ©e dans la noirceur de ces chers» petits. On connaissait les Alcooliques anonymes, les Narcotiques anonymes, les DĂ©pendants sexuels anonymes, il existe aujourd'hui les Parents anonymes. Des papas et surtout des mamans qui n'en peuvent plus, tyrannisĂ©s par leur progĂ©niture. C'est au cafĂ© de l'Ecole des parents Ă  Paris qu'ils se aussi Parents. Comment protĂ©ger vos enfants mineurs ? La suite aprĂšs cette publicitĂ© Grande, brune, regard bleu acier, les cheveux attachĂ©s en une trĂšs longue queue-de-cheval, ValĂ©rie participe au groupe de parole pour la premiĂšre fois Bonjour, ma fille a bientĂŽt 13 ans et c'est une enfant difficile, notre relation est trĂšs conflictuelle. Hier soir encore on s'est disputĂ©es de 19 heures Ă  23 heures, je suis Ă©puisĂ©e.» Jusque-lĂ , se dit-on, rien de bien original, encore une ado en conflit avec sa mĂšre. Anne, la trentaine intello, paire de lunettes rondes sur le nez, est bibliothĂ©caire J'ai deux enfants, c'est l'aĂźnĂ© qui pose problĂšme... Il a 6 ans, il me parle mal, me bouscule, essaie de couvrir ma voix quand je discute avec d'autres gens...» Parmi la dizaine de parents prĂ©sents ce jour-lĂ , deux grand-mĂšres inquiĂštes. Je suis la mamie d'un petit garçon de 5 ans qui rend la vie de ses parents impossible! Ma fille redoute les moments oĂč il rentre de l'Ă©cole ou les week-ends. Elle a peur de son enfant et moi, j'ai peur pour elle et pour son couple. Elle m'a autorisĂ©e Ă  venir Ă  sa place pour savoir s'il existe des solutions... » La suite aprĂšs cette publicitĂ© Lire aussi SolidaritĂ© quand l'aide aux parents devient obligatoire Seul un papa a acceptĂ© d'accompagner sa femme au groupe de parole DĂšs qu'on leur laisse un peu trop de libertĂ©, ils prennent les rĂȘnes», constate-t-il, dĂ©sabusĂ©. Au fil de la discussion, la parole se libĂšre. Quand mon fils fait des colĂšres, je sens monter en moi la violence, mais je ne veux pas taper mes enfants », lĂąche Anne, en confessant avoir elle-mĂȘme Ă©tĂ© frappĂ©e par son pĂšre quand elle Ă©tait jeune... Face Ă  elle, ValĂ©rie finit par avouer avoir donnĂ©, la veille, des fessĂ©es Ă  sa fille ! J'ai tout essayĂ©, la douceur, la discussion, et lĂ  j'en reviens Ă  la bonne vieille mĂ©thode, y a que ça qui la calme.» Silence autour de la table. Une fessĂ©e Ă  une ado de 13 ans! Peut-ĂȘtre une erreur de stratĂ©gie? » suggĂšre avec douceur Caroline Le Roux, la psychologue qui anime le groupe. La suite aprĂšs cette publicitĂ© La suite aprĂšs cette publicitĂ© Lire aussi Angelina Jolie "Je suis trĂšs honnĂȘte avec mes enfants" La plupart des parents qui viennent nous voir se sentent reniĂ©s dans leur parentalitĂ©. Ils ont l'impression d'avoir perdu le pouvoir sur leurs enfants ou qu'ils ne servent plus Ă  rien», explique Caroline. MĂȘme si la notion de tyrannie est parfois toute relative dans notre sociĂ©tĂ©, ce qui tyrannise les uns laisse les autres complĂštement froids», ajoute la psychologue. Comme cette maman qui se sent martyrisĂ©e par sa fille tous les soirs au moment du coucher Ça dure des heures, se plaint-elle, elle me demande d'aller faire pipi, puis d'aller lui chercher un verre d'eau, de rester avec elle, de lui tenir la main... Et moi, quand j'ai toute une journĂ©e de travail dans les pattes, je ne supporte pas, je craque.»L'autoritĂ© parentale, c'est l'Ă©quilibre entre 'donner des rĂšgles' et 'ĂȘtre Ă  l'Ă©coute des besoins de l'enfant', explique Nathalie IsorĂ©, la directrice de l'Ecole des parents de Paris. C'est mathĂ©matique. Quand je reçois les parents, je leur demande oĂč ils se situent sur un graphique. En ordonnĂ©e, Ă  quel point ils sont directifs ; en abscisse, Ă  quel point ils sont Ă  l'Ă©coute. C'est ensuite Ă  eux d'ajuster. On critique beaucoup les parents parce qu'ils ne savent prĂ©tendument pas poser de limites ou parce qu'ils ne sont pas assez autoritaires. Cette notion des limites, la plupart d'entre eux l'ont, c'est le 'comment' qui pose problĂšme. Ils l'expriment d'ailleurs quand on les reçoit 'Je sais ce qu'il faut dire, mais je n'y arrive pas.' Ces parents exercent l'autoritĂ© dans la culpabilitĂ© ils ont Ă©tĂ© trop brimĂ©s dans leur enfance, et ils en ont souffert, ou bien ils ont peur de perdre l'amour de leurs enfants. Il faut savoir dire non, souvent un non bref et ferme suffit. Nous sommes dans une sociĂ©tĂ© oĂč on parle trop aux enfants... Avant, l'autoritĂ© Ă©tait verticale et les enfants soumis. Il y avait d'ailleurs beaucoup de bĂšgues, l'un des symptĂŽmes de cette soumission. Aujourd'hui, l'autoritĂ© est devenue horizontale, les enfants sont plus rebelles, ils ont leur mot Ă  dire, leur agressivitĂ© s'exprime davantage. D'un point de vue Ă©ducatif c'est plus intĂ©ressant mais bien plus dur. On reçoit beaucoup de parents qui sont trop Ă  l'Ă©coute de leurs enfants», rĂ©sume Nathalie IsorĂ©.J'Ă©tais une enfant sage. Et ma fille Ă  moi me traite de salope» Une mamanAvant, on voulait que nos enfants deviennent des adultes polis, bien Ă©levĂ©s. Maintenant, on veut qu'ils soient Ă©panouis.»Dans son dernier opus, Parents sous influence» Ă©d. Odile Jacob, une sorte de brĂ©viaire plein d'espoir Ă  l'adresse des parents qui se sentent coupables, la romanciĂšre CĂ©cile David-Weill, qui estime avoir Ă©tĂ© une mauvaise» mĂšre pour ses trois enfants, le rappelle L'ambition Ă©ducative a explosĂ©. De nos jours, il faut ĂȘtre Ă  la fois une mĂšre exceptionnelle, une femme accomplie dans son boulot, trouver du temps pour sortir, faire du sport entres copines et, surtout, ne pas oublier son mari... La question est comment s'investir? Combien de temps y consacrer ? C'est pour cette raison que j'ai Ă©crit tout un chapitre sur cette thĂ©matique il faut 'choisir ses batailles'. Quant Ă  apprendre le job... Lorsqu'on devient parent, on n'a aucun repĂšre, et ce n'est pas dans les livres dĂ©diĂ©s qu'on trouve des solutions. Alors, que fait-on ? C'est trĂšs simple, soit on reproduit l'Ă©ducation de ses propres parents soit, si on en a souffert, on essaie le contraire, estime l'Ă©crivain qui a consultĂ© des dizaines de psys pour tenter de comprendre. Ce que j'ai constatĂ© avec mes enfants, c'est que, en voulant faire l'inverse de mes parents, j'ai fait pire. Autre constat mes enfants s'en sont mieux sortis dans les domaines oĂč je leur fichais la paix. Ce n'est pas toujours simple de les voir se dĂ©battre ou souffrir, mais parfois il faut les laisser se dĂ©patouiller tout seuls avec leurs problĂšmes.» Le plus inquiĂ©tant, c'est quand l'enfant n'a pas d'empathie », explique le Dr Franc © Getty Images Au CHU de Montpellier, le Dr Nathalie Franc pointe du doigt la suradaptation » des parents. Cette pĂ©dopsychiatre a mis en place, il y a un an, un groupe de parole unique en France pour les parents d'enfants tyrans. Des petits Dr Jekyll et Mr Hyde qui cachent bien leur jeu en sociĂ©tĂ©. EpuisĂ©s, parfois au bord du burn-out, une quinzaine de parents s'expriment. Ma fille m'insulte, elle me bouscule, mais hier, lors de la derniĂšre crise, j'ai suivi vos conseils et j'ai ouvert les fenĂȘtres, raconte une mĂšre tyrannisĂ©e par son ado de 16 ans. Elle a hurlĂ© 'Non mais, ça va pas!' et je lui ai rĂ©torquĂ© qu'au contraire il fallait que les gens dans la rue entendent la façon dont elle me parle», se dĂ©fend-elle devant le groupe de parole. Ces parents ont peur de leur progĂ©niture A tel point que, tous les jours, je prĂ©viens les deux petits que leur grand frĂšre va rentrer de l'Ă©cole et qu'il ne faut pas l'embĂȘter pour Ă©viter qu'il ne pĂšte un plomb», raconte une maman de 38 ans, en guerre ouverte avec son aĂźnĂ© de 8 mĂšre d'un petit de 6 ans, ingĂ©rable lui aussi, ose alors raconter sa derniĂšre humiliation publique J'Ă©tais au cafĂ© avec ma meilleure amie quand mon petit me demande d'aller acheter des bonbons avec son grand frĂšre. Je refuse et lui explique que c'est trop dangereux Ă  cause de la route. Alors il se met Ă  hurler devant tout le monde. Je l'ai 'ceinturĂ©' fermement, raconte-t-elle, parce qu'il donnait des coups de pied dans tous les sens. Ma meilleure amie m'a regardĂ©e, les yeux ronds. C'Ă©tait la premiĂšre fois qu'elle vivait ce que j'endure tous les jours... et quand mon petit a vu son regard stupĂ©fait, il s'est arrĂȘtĂ© tout seul.» Souvent, ces parents ont honte de leurs enfants, alors que, au contraire, le regard des autres fait partie de la thĂ©rapie. En famille, l'enfant se sent libre d'exploser, mais en sociĂ©tĂ© il se sent jugé», analyse la pĂ©dopsychiatre, en approuvant une autre mĂšre qui a appelĂ© un couple d'amis Ă  la rescousse quand son fils a tout cassĂ© dans l'appartement.DĂšs qu'on leur laisse un peu de libertĂ©, ils prennent les rĂȘnes» Un papaDepuis un an, le Dr Franc suit une cinquantaine de familles au bout du rouleau. Car ce n'est pas qu'un problĂšme d'Ă©ducation dĂ©faillante. L'enfant qui martyrise ses parents physiquement et psychologiquement est un sujet tabou Je pense que cela a toujours existĂ© mais, aujourd'hui, les parents en parlent et les enfants sont pris en charge. Il n'y a rien de pire que la culture du secret, cela conforte l'enfant dans son mal-ĂȘtre car un petit tyran est souvent en souffrance. La majoritĂ© a des troubles du comportement», informe le Dr Franc. La plupart des enfants suivis au CHU de Montpellier ont Ă©tĂ© diagnostiquĂ©s hyperactifs, anxieux ou Ă  haut potentiel QI Ă©levĂ©. Depuis que mon fils a Ă©tĂ© diagnostiquĂ© hyperactif, ça va mieux, je me sens moins isolĂ©e, je partage mes problĂšmes avec d'autres parents et j'ai des outils pour essayer de l'aider. Il va peut-ĂȘtre avoir un traitement qui va l'apaiser.» Ces enfants-lĂ  sont comme des Cocotte-Minute, ils prennent sur eux toute la journĂ©e quand ils sont Ă  l'Ă©cole ou en sociĂ©tĂ© et quand ils rentrent Ă  la maison, ils dĂ©compensent », explique une maman qui a compris que tout n'Ă©tait pas de sa faute. Au dĂ©but, on se sent responsable, on se dit qu'on a dĂ» faire une erreur quelque part...», ajoute une parents concernĂ©s sont dĂ©passĂ©s. Quand ils ont 6 ou 8 ans, ça va encore, tempĂšre la mĂšre de Jules, 9 ans, qui lui fait des misĂšres du matin au rĂ©veil pour s'habiller au soir pour se coucher et qui tape son petit frĂšre et sa petite soeur quand le programme tĂ©lĂ© ne lui convient pas. Mais les adolescents, c'est encore plus dur.» C'est vrai, confirme une autre mĂšre courage dont la fille de 16 ans a fait de sa vie un enfer. Moi, je n'Ă©tais pas du tout prĂ©parĂ©e Ă  ça, j'Ă©tais une enfant sage, je n'ai jamais dit merde Ă  mes parents et aujourd'hui ma fille me traite de salope et m'insulte...» Ces parents en arrivent Ă  dĂ©tester leurs enfants. Vous savez, ces gens qui partent acheter des cigarettes et qui ne reviennent pas? Eh bien moi, j'en rĂȘve», avoue froidement une des participantes.Le plus inquiĂ©tant, c'est quand l'enfant n'a pas d'empathie », explique le Dr Franc. Dans le groupe de parole, un seul couple, solidaire face Ă  un petit monstre». ThĂ©o, il faut le surveiller tout le temps, il pourrait passer Ă  l'acte, je le sais, raconte la mĂšre. La derniĂšre fois, il se disputait avec sa soeur et je l'ai vu mettre la main sur le couteau de cuisine. Et ce n'est pas la premiĂšre fois. Il n'a jamais exprimĂ© de regrets, on est de plus en plus inquiets.» Malaise. La plupart des parents qu'on reçoit au CHU portent leur croix, certains ont tellement de difficultĂ©s avec leurs enfants qu'ils sont obligĂ©s d'arrĂȘter de travailler pour s'occuper d'eux. Il y en a aussi beaucoup qui sont dĂ©primĂ©s. Alors, nous essayons de les aider Ă  retrouver une vie normale, Ă  prendre une distance sereine et ferme pour que chacun rĂ©cupĂšre sa place dans la famille.»On dit souvent que tout se joue entre 0 et 6 ans, mais ce n'est pas une rĂšgle, on peut toujours rectifier le tir», estime Nathalie IsorĂ© qui reçoit des parents depuis quinze ans. CĂ©cile David-Weill a rĂ©alisĂ© qu'elle avait pris le mauvais chemin au bout de quinze ans, alors que ses enfants Ă©taient dĂ©jĂ  des adolescents, et lorsque tous les voyants Ă©taient au rouge » dĂ©pression, addictions.... Oscillant entre l'intransigeance de ses propres parents qui l'Ă©levaient façon dĂ©but XIXe » - selon ses mots - et la permissivitĂ© totale, elle faisait souffrir ses enfants, qui le lui rendaient bien...AlbĂ©ric de Serrant "Frustrer un enfant le fait grandir" AlbĂ©ric de Serrant © DR Directeur du Cours Alexandre-Dumas, Ă  Montfermeil. Il accueille une centaine d'enfants en difficultĂ© sociale ou scolaire, leur enseigne le respect des parents, et des adultes en gĂ©nĂ©ral, en prĂŽnant une Ă©ducation bienveillante. Paris Match. Qu'est-ce qu'un enfant-roi?AlbĂ©ric de Serrant. C'est un enfant qui ne sait pas demander, qui revendique. Quand il y a enfant-roi, il y a parent-roi, chacun dĂ©fend son 'je' et c'est un combat menĂ© par la revendication. Le 'je' s'impose alors qu'on sait trĂšs bien que la clĂ© des rapports au sein de la famille, c'est le 'nous'. Si on n'Ă©change pas et si on ne pense pas avec le 'nous', tout est foutu. L'Ă©ducation, c'est l'apprentissage du vivre ensemble et l'Ă©panouissement personnel dans le vivre ensemble. Le 'je' ne doit pas s'effacer, il doit s'harmoniser avec le 'tu' et le 'nous'. Exemple je suis un pĂšre de famille fatiguĂ© qui demande Ă  son enfant qui regarde la tĂ©lĂ© de 'dĂ©gager'. Ce dernier revendique Ă  son tour son envie de continuer avec un argument de taille 'Maman m'a dit qu'elle Ă©tait d'accord', utilisant alors la mĂšre comme une arme redoutable contre le pĂšre. Beaucoup de parents ne sont pas d'accord sur la façon d'Ă©duquer leurs enfants. Le problĂšme ne rĂ©side-t-il pas dans ce conflit?L'Ă©ducation, c'est Ă©veiller l'enfant. Et, dans cette construction, l'Ă©ducateur peut aider les parents Ă  retrouver leur autoritĂ©. C'est ce que nous faisons au Cours Alexandre-Dumas mais sans nous substituer Ă  eux. Il faut autant que possible arriver Ă  parler d'une seule voix. Le 'nous' doit d'abord s'exprimer au sein du couple, quelle que soit la situation parents divorcĂ©s, sĂ©parĂ©s ou du mĂȘme sexe..., puis dans le rapport parents-enfants. Chaque parent, chaque tuteur est responsable - non pas Ă  50% mais Ă  100% - de l'Ă©ducation de ses enfants, ce qui implique des Ă©changes et des dĂ©cisions communes avant de s'adresser Ă  lui. Pour parler d'une seule voix, il faut que l'amour soit le guide, l'amour comme expression du respect de l'autre ou celui que les deux parents ont pour l'enfant. Il faut inverser le jeu du conflit conjugal et 'rester uni face Ă  l'aimĂ© commun'. Vous-mĂȘme, vous arrive-t-il de commettre des erreurs avec votre progĂ©niture?Bien sĂ»r! Je suis pĂšre et je ne respecte pas toujours la rĂšgle du 'front uni'. Un jour, j'ai voulu expliquer Ă  mon fils comment chercher un mot dans le dictionnaire. Ma femme est intervenue elle n'Ă©tait pas d'accord sur la mĂ©thode. Je me suis alors dĂ©fendu de mieux connaĂźtre le sujet en tant qu'enseignant, et elle s'est vexĂ©e. Plus tard, elle m'a rĂ©torquĂ© que c'Ă©tait elle qui s'acquittait des devoirs et que je l'avais dĂ©crĂ©dibilisĂ©e. J'ai reconnu mon erreur j'aurais dĂ» la laisser intervenir, mon fils ne se serait pas retrouvĂ© face Ă  deux parents dĂ©sunis. C'est la clĂ© de la transmission. Se rĂ©partir les tĂąches dans le couple n'est pas s'effacer dans une activitĂ©, mais rejoindre l'autre. On peut appliquer cette rĂšgle dans tous les domaines la gestion des conflits avec l'enfant comme les moments de partage heureux avec eux! Beaucoup de parents ont peur du conflit. L'autoritĂ© parentale passe-t-elle uniquement par le conflit?Les parents n'ont pas peur du conflit, ils ont peur de la frustration. Notre sociĂ©tĂ© la refuse. AccĂ©der systĂ©matiquement Ă  la pulsion d'acquisition d'un enfant est en rĂ©alitĂ© d'une grande cruautĂ©. Manger une glace est un plaisir, mais avoir une glace tous les jours n'est plus un plaisir, cela devient un dĂ». Frustrer un enfant le fait grandir. C'est bon de dĂ©sirer une glace, on l'apprĂ©cie encore plus! La frustration apprend Ă  ĂȘtre patient et laisse Ă  l'autre la libertĂ© de faire un cadeau quand il est prĂȘt. Le vivre ensemble rime pour moi avec libertĂ© et non avec esclavage. Certaines familles ont besoin du conflit, d'autres au contraire se targuent de ne jamais devoir Ă©lever la voix; l'autoritĂ© peut s'exercer de diffĂ©rentes maniĂšres. Mon pĂšre n'avait qu'Ă  faire les gros yeux quand j'Ă©tais enfant pour que je m'arrĂȘte, mais ma soeur le faisait hurler. Cela dĂ©pend de la personnalitĂ© et de la psychologie de l'enfant. Notre sociĂ©tĂ© prĂŽne l'empathie avec l'enfant. Qu'en pensez-vous?Il faut trouver un juste milieu entre le discours de nos grands-parents, le fameux 'tais-toi, fais ce que je te dis, c'est moi qui ai raison', et les parents d'aujourd'hui auxquels on impose de se taire et d'ĂȘtre Ă  l'Ă©coute des jeunes. La crise de l'autoritĂ© parentale rĂ©side dans le fait qu'on ne se donne plus le droit d'utiliser le patrimoine transmis par ceux qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s prendre ce qui Ă©tait bon chez nos grands-parents et ce qui est bon chez nos enfants dans l'intelligence du contexte actuel bouleversĂ© par les nouvelles technologies. Il y a aujourd'hui tout un dĂ©bat sur la fessĂ©e. Doit-on punir les enfants qui ne respectent pas les limites? Et comment?Je prĂ©fĂšre le mot sanction au mot punition. La sanction est essentielle car c'est un avertisseur. Sur la route, la premiĂšre sanction est la ligne blanche qui nous rappelle qu'on dĂ©vie du droit chemin. Le radar a la mĂȘme fonction quand on va trop vite, mais la sanction est plus forte car elle nous supprime des points et de l'argent. Une sanction peut Ă©galement ĂȘtre une rĂ©compense quand on rĂ©cupĂšre ses points au bout de deux ans. Elle a toujours vocation Ă  dĂ©finir la limite et elle doit s'adapter Ă  la gravitĂ© du dĂ©passement de cette limite. On ne gronde pas de la mĂȘme façon un enfant qui va toucher un bibelot fragile ou qui s'apprĂȘte Ă  mettre les doigts dans une prise. Quand un enfant se met en danger ou qu'il met en danger les autres, la sanction doit ĂȘtre plus forte. Je ne suis pas un partisan de la fessĂ©e; si elle pouvait disparaĂźtre, ce serait bien. Ainsi la modification du Code civil va dans le bon sens. Une fessĂ©e, si elle advient, ne doit pas ĂȘtre rĂ©pĂ©titive. Je me souviens des deux seules fessĂ©es de ma vie. Elles m'ont marquĂ©! Je pense qu'il faut Ă©viter les gifles et, aprĂšs 10 ans, plus de fessĂ©e. Si l'enfant est insupportable, il va s'isoler dans sa chambre jusqu'Ă  ce qu'il retrouve son calme.
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